hôte voltige
Florence et Pablo Estrader ne bâtissent pas de châteaux en Espagne. Mais en Ardèche, à Saint-Romain-de-Lerps, le couple accorde sa nouvelle vie au rythme du Château du Besset. Pierre après pierre.
C’est un bout du monde. La route pile devant l’entrée d’un vaste domaine, elle ne va pas plus loin. Les 25 hectares de calme verdoyant dominent la vallée du Rhône, le château du Besset s’accroche à la colline. L’édifice impose à l’horizon ses lignes minérales depuis le 15ème siècle. Il est passé par tous les états, par tous les fracas. Et quand Florence et Pablo Estrader le découvrent en 2009, ils restent figés, prisonniers d’une atmosphère hors du temps qu’ils rêvent immédiatement de restaurer.
JOHNNY, MIREILLE, AZNAVOUR ET LES AUTRES
Florence traverse le jardin. Pétillante, dynamique, elle balaie l’ensemble de la propriété d’un ample geste de la main. “Ça vous plaît ?” lance-t-elle, tout sourire. Difficile de croire que le domaine était en friche 7 ans plus tôt. Les fleurs bordent les murets, l’herbe fraîchement coupée dévale une pente douce jusqu’à la piscine. Un tour de force.
En 2009, l’ensemble est une ruine : “Le mur d’enceinte avait disparu, la piscine était noyée sous la vase, les ronces et la végétation, c’était une pampa ! Il n’y avait plus rien !”, s’exclame la propriétaire. L’histoire égratigne le domaine.
Qui revient d’un séjour en déshérence après l’opulence des années 70. A cette époque, la fête bat son plein. Les stars s’y retrouvent, Johnny Hallyday, Mireille Mathieu, Aznavour et les autres aiment la vie de château. La fête ne dure pas. Racheté par une société japonaise un peu mafieuse, rapidement abandonné, l’ensemble se fane. Livré à lui-même, le château est vandalisé, squatté. Tout est arraché. Les portes disparaissent, les fenêtres volent en éclat, la tempête de 1979 arrache le toit. Sale temps pour la forteresse. Et même si les murs du bâtiment et de la magnanerie restent vides, dévastés, mais debout, l’ensemble disparaît sous un fouillis d’épines.
LA VIE DE CHÂTEAU ?
La propriété conquiert pourtant d’emblée le couple Estrader. Il est arrivé au bout de sa quête, il a déniché sa pépite : “Il y avait une lumière incroyable, une ambiance, aucune nuisance à l’extérieur, l’endroit nous a saisi. Nous cherchions plutôt une propriété sans travaux, pas trop grande. Mais quand nous avons découvert le château du Besset, nous n’avons pas vraiment réfléchi. Nous avons trouvé le propriétaire et nous avons signé dans la foulée. Nous n’avons même pas visité le bâtiment !” Le chantier n’effraie pas vraiment Florence et Pablo. Pendant 14 ans, ils ont restauré un château en Touraine, Besset n’est pas un coup d’essai.
Les 3 premières années, les nouveaux propriétaires nettoient la piscine, défrichent le terrain abandonné à lui-même, plantent les boutures rapportées du château tourangeau. Charrient des brouettes de gravas. Pas question de faire appel à des entreprises. Trop cher : “On n’a fait que ça : bosser, bosser, bosser !” Il faut arracher les vieilles moquettes et les tentures dans toutes les pièces, les enfants et la bande de copains se relaient pendant le week-end. Florence fait la tambouille pour tout le monde. Elle éclate de rire : “ça m’a coûté cher en alcool, mais ça m’a rapporté en travaux !” Et si Pablo ne se décourage pas, elle doute parfois. Les travaux, passe encore, elle a l’habitude. Mais les tracas administratifs l’épuisent. Et pourtant, elle tient bon.
3 ZONES ET UN COUP FIN
La magnanerie est le seul bâtiment habitable. Florence et Pablo restaurent 4 chambres préexistantes, en dédient 3 aux futurs hôtes. Un choix financier qui leur permettra de poursuivre les travaux : “Je n’avais jamais fait ça de ma vie !”, s’amuse Florence. “Mais il fallait une rentrée d’argent et nous avons pensé aux chambres, aux mariages, aux réceptions et aux séminaires. Et j’y ai pris goût ! J’avoue que je n’aime pas beaucoup le ménage. En revanche, j’adore les gens !”. On la croit sur parole. Florence puise à l’imaginaire, elle pense la chambre « Milton » en prune, violet et orient. Un lieu pour écrivain voyageur qu’elle jouxte au charme d’une salle de bain 60’s. Après que Pablo ait arraché un vieux crépi dans l’alcôve. Elle bouscule l’esprit classique dans la chambre «Papillon rouge» cocoon pendant que Pablo colmate les trous des murs et refait le parquet. Et convoque les gris perle et les blancs éclatants dans une spectaculaire suite «Que Linda» qu’elle pointille de tâches colorées: “Un ancien gardien nous a dit que Mireille Mathieu dormait dans cette suite à l’époque où le château accueillait les stars”, confie Pablo. “Elle se mettait à la fenêtre tout les matins pour siffler, et un rossignol lui répondait !”
Mireille ne siffle plus au château du Besset, le rossignol s’est tu. Mais dans leur bout du monde, le couple Estrader accueille désormais les pigeons voyageurs de tous les horizons.
+ d’infos : www.chateaudubesset.com
A partir de 175 euros la nuit
