la manufacture des astèles, le design re-boisé

7 Avr 2017

tronc commun

Ils ont eu le courage de s’écouter, de se lancer, de tout recommencer.
 Ils sont d’essences différentes, mais ont pris racine au même endroit. La manufacture des Astèles, en Savoie, c’est donc un tronc commun pour quatre ramifications aux veinages différents, aux talents complémentaires.

Rassemblez quatre ébénistes dans un atelier, de quoi vont-ils parler ? De bois, évidemment, mais pas seulement. Car ces quatre-là, en dehors de leur amour commun pour la matière, brute, expriment leur talent dans des univers compatibles, partagent l’amour des bonnes choses, de la gastronomie notamment, et un parallélisme dans leurs parcours : tous ont fait quelques détours avant de donner libre cours à leur passion. Emmanuel le technicien, Damien l’architecte, Claire l’informaticienne et Benjamin, le concepteur de mobilier aéronautique se sont donc rencontrés sur le chemin de la reconversion, à Vallières, où ils suivaient un CAP d’ébénisterie d’art. Après une année de formation, quand il a fallu se lancer, l’idée d’unir leurs forces s’est assez vite imposée : “Tout seul, c’est plus compliqué, explique Emmanuel, même physiquement, il y a de la manutention, de l’assemblage… mais nous profitons surtout de la mutualisation des moyens et des savoirs. Sur un projet atypique de restauration par exemple, certains auront une expérience ou un savoir- faire qui permettra de répondre sans être bloqué sur des questions techniques.”

ENSEMBLE, C’EST TOUT

Il a d’abord fallu trouver un local, puis des machines d’occasion, qu’Emmanuel, le bricoleur de la bande, a remises sur pied, avant de se présenter sur différents salons locaux en tant que collectif. “Nous n’avons pas travaillé sur des projets communs, précise Damien, chacun a les siens, mais quand les gens voient nos stands, il y a une homogénéité dans les approches, des styles et des matières qui se rejoignent.”

C’est à lui que revient la paternité du terme « Astèles », vieux français pour cette attelle qui symbolise à la fois un éclat de bois et la passerelle entre deux métiers, deux vies. Mais c’est Claire qui a insisté sur la notion de manufacture, qui évoque leurs savoir- faire et la réalisation de beaux objets. Car ils ont également l’envie de faire sauter le vernis de l’ébénisterie, de moderniser une image trop souvent associée, d’après eux, à de la conception de meubles rustiques. Ils couplent donc les méthodes traditionnelles aux nouvelles techniques, travaillent d’autres matières comme le MDF et si certains marient le brut au métal, d’autres tentent la céramique, le verre ou le textile. Dans ce quatuor de bois harmonieux, chacun joue sa partition.

Damien Caron : l’équerre

Comment il en est arrivé là :
“Mon père avait fait construire notre maison par un architecte, le mobilier avait été imaginé par ami ébéniste et nous sommes une famille de bricoleurs, dans laquelle le travail manuel n’a jamais été caché, mais de là à devenir artisan, en région parisienne, c’est une sorte de rébellion ! Après mes études, j’ai donc exercé l’architecture pendant 8 ans, tout en suivant régulièrement des formations courtes aux métiers d’art (serrurerie, soudure, forge, céramique, gravure…), et j’ai fini par prendre des cours du soir en ébénisterie à la Mairie de Paris mais à raison de 3 heures par semaine, on avait à peine le temps de déballer le matériel et de le ranger, on ne faisait pas grand-chose. Et puis, j’ai eu envie de couper avec ce monde, de sortir de ce cadre hyper dynamique, d’arrêter le temps, ce qui va avec les métiers d’artisanat, car travailler avec un ciseau à bois et être rentable, c’est un peu incompatible, ça demande de ralentir. Je voulais changer de région, en découvrir une nouvelle, et c’était logique de trouver une région de bois.”

Ce qu’il dit de son travail – et on pourrait ne pas l’arrêter :
“J’aime le côté épuré, les lignes simples, ce qui n’est pas froufrouteux, comme le design scandinave ou le mobilier des années 30 à 50. Ce qui m’intéresse, c’est de projeter, concevoir, trouver quelque chose d’original dans une forme simple et élégante, le mélange entre un travail ancestral et des nouvelles technologies, comme le travail au laser, c’est à la fois plastique et poétique d’entremêler les veines du bois, son maillage, à la gravure, allier la trace de la main et celle de la machine.”

Ce que le reste du quatuor dit de lui :
“C’est le plus créatif. Son œil d’archi se ressent beaucoup, dans la volumétrie, notamment. Tout est abouti, tout doit être précis, chaque assemblage doit rentrer dans la perfection des chiffres et des proportions. Il conçoit les meubles comme des bâtiments, en alliant robustesse, esthétique et usage, c’est une sorte d’ergonome.”

Claire Perea : le laser

Comment elle en est arrivée là :
“J’avais déjà fabriqué quelques meubles, un buffet, un coffre à la Peau d’Ane, dans lequel on peut tout mettre, où tout est possible… mais j’ai été élevée dans milieu où les métiers manuels étaient déconsidérés, et même si j’ai toujours aimé le mobilier et la mode, je ne me projetais pas dans ces voies-là pour gagner ma vie. J’ai donc choisi mes études d’informatique par goût, mais je me suis confrontée à réalité, aux lois de l’argent, et même avec les meilleures intentions du monde, ça ne me plaisait pas beaucoup, je ne me voyais pas faire ça jusqu’à ma retraite. Alors pendant 2 ans, j’ai réfléchi chaque jour à ce qui me rendrait heureuse, et j’ai réalisé que c’est ce que je voulais faire. J’ai cherché dans toute la France, et l’Estampille, à Vallières, m’est apparue comme le meilleur compromis entre la formation et le cadre de vie. J’ai commencé sans avoir fait trop de recherches, pour garder un œil frais, une approche naïve du métier, pour ne pas me mettre tout de suite dans un moule.”

Ce qu’elle dit de son travail :
“J’aime beaucoup la couleur, ça se retrouve dans toutes mes créations, mariée avec le bois, elle le magnifie. J’adore concevoir le meuble, mais il se révèle au moment où on applique la couleur, c’est le moment que je préfère. C’est aussi pour ça, même si ce n’est pas trop dans l’air du temps, que j’aime beaucoup le noyer, les bois foncés, parce qu’ils se marient bien avec la couleur. Et voudrais vraiment travailler en lien avec la mode et les tendances. En ce moment, par exemple, je réfléchis à un pied, inspiration résille, une résille de plaquage, peut-être en ébène, très sombre, sur du turquoise, du violet, ou du mauve.”

Ce que le reste du quatuor dit d’elle : “Claire cherche l’élégance, elle habille le meuble, comme on habille une personne. C’est pétillant, ça le rehausse. Et c’est une battante, une persévérante, quand elle est sur un projet, qu’elle a une idée en tête, elle ne va rien lâcher, elle ira jusqu’au bout. Pour vous situer le personnage, elle a passé son CAP à 7 mois de grossesse, en poussant de grosses machines ! C’est aussi agréable d’avoir une touche féminine à l’atelier. C’est important pour nous d’avoir une autre vision, peut-être moins cartésienne, mais elle vient régulièrement avec nouvelles choses qu’elle a découvertes, c’est un moteur dans l’effervescence de nos créations, elle joue vraiment le jeu.”

Emmanuel Ménager : le leatherman

Comment il en est arrivée là :
“J’ai passé un bac électro-technique, un peu par obligation, je n’étais pas très scolaire, et on m’a dit « ça va te plaire »… et ben ça m’a pas plu. J’aimais plus le matériau que l’électricité. J’ai expérimenté beaucoup de secteurs différents, et j’ai aimé mon travail, mais l’industrie m’a déplu de plus en plus, la gestion de l’humain, le manque de cohérence entre les besoins réels et ce qu’on demande aux gens. J’ai demandé un Congé Individuel de Formation. J’avais toujours eu l’idée d’être à mon compte à un moment ou un autre, je ne suis donc pas mécontent de mon parcours, car techniquement j’ai appris beaucoup de choses… En tous cas, ma nouvelle voie était vite choisie : mon grand-père était menuisier ébéniste, je me baladais souvent dans son atelier, entre les vieux meubles, l’odeur du bois m’avait marqué.”

Ce qu’il dit de son travail – même s’il ne parle pas beaucoup :
“J’ai toujours baigné dans l’industrie, les machines, travaillé à leur conception, alors j’aime le mariage bois et métal, mélanger la matière brute du bois avec quelque chose de plus lisse, de plus industriel comme le médium ou le métal, pour un mélange de texture. Je suis comme mes meubles, rugueux à l’extérieur et doux à l’intérieur !”

Ce que le reste du quatuor dit de lui :
“A priori, c’est vrai qu’il a un petit côté rugueux, mais en fait, il va sortir quelque chose de très raffiné, qu’on aurait pas imaginé, qui va choper la tendance, c’est intéressant de se confronter à ça, car sans le montrer, il est très touché par le design, il a un style très contemporain. Et puis il sait tout faire, c’est peut-être notre Mac Gyver, il a joué un rôle crucial dans l’aménagement car il a pu régler toutes nos machines d’occasion, fabriquer un transfo 220/380. Ce talent fait que sans lui à l’atelier, ce ne serait pas aussi confortable et agréable. ”

Benjamin Christophel : le ciseau

Comment il en est arrivée là :
“Déjà ado, je fabriquais mes boomerangs, mes long-boards de skate dans l’atelier de mon père, qui bricolait tous les week-ends… j’aimais bien aller fouiller, utiliser les outils. J’ai ensuite fait une formation en mécanique et automatisme dans l’industrie aéronautique. J’ai donc d’abord travaillé en Bureau d’Etudes à Bâle, mais ça me frustrait de rester assis derrière mon ordinateur, d’échanger des e-mails, il me fallait de l’action. J’avais aussi besoin de toucher la matière, le bois, les machines-outils, donc j’ai démission, à l’été 2011, et j’ai cherché l’entreprise qui m’embaucherait sans diplôme. C’est comme ça que j’ai atterri à Sallanches avec un patron qui a accepté de me former à la menuiserie, puis j’ai enchaîné avec la formation pour adultes en ébénisterie. Dans mon esprit, c’était un métier authentique, qui a du sens, j’aime le fait de travailler intelligemment le bois, qui est présent tout autour de nous, je ne reste pas indifférent aux arbres quand je me balade dans la forêt par exemple, et pour moi, c’est une sorte de respect de l’arbre, de le travailler mieux, sans faire trop de chutes.”

 

Ce qu’il dit de son travail – et avec Emmanuel, ils doivent avoir de longues discussions :
“J’aime les meubles en bois massif, j’essaie d’éviter de travailler les panneaux à particules, et j’aime aussi la récup’, quand je vois tout ce qui traîne, dans les rues, dans les déchetteries, même à Courchevel ou à Genève, les gens jettent des choses qui sont encore en état de fonctionnement, j’essaie donc de me servir de ce que je trouve, comme sur cette lampe pour l’abat-jour pour laquelle j’ai ré- utilisé la courroie en cuir d’une vieille machine-outil.”

Ce que le reste du quatuor dit de lui : “Il mélange le rustique et la récupération, comme s’il avait besoin de matière chinée pour réaliser un objet. L’upcycling, c’est même carrément un choix de vie. C’est peut- être celui d’entre nous qui a le moins le goût pour la modernité, il a plus le goût pour le naturel, il aime les nœuds du bois ! Et il est affuté comme un ciseau, très minutieux dans son approche de la réalisation. On pourrait donc croire qu’il prend son temps, mais comme tout est pensé, il ne refait pas deux fois les choses. C’est un peu comme la tortue de la fable, l’air de rien, il arrivera avant les autres.”

+ d’infos : www.lamanufacturedesasteles.com

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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