label hellène

Du bois, des lignes simples,
 une philosophie épurée de l’esthétique ? On ne nous 
la fait pas à nous, grands experts autoproclamés du design : c’est japonais. Oui, mais non. A l’origine de shibui – ce nom, par contre, a bien fait le chemin depuis l’extrême-orient – deux designers grecs, dont un basé à Genève. Preuve que la méditerranée sait faire dans la sobriété.

Ils étaient faits pour travailler ensemble. Pas parce que ce sont deux enfants du Pirée. Pas parce qu’ils ont passé au Royal College of Arts de Londres plusieurs années. Et pas non plus parce qu’ils ont choisi de s’expatrier à New York pour dessiner, dans le luxe à l’américaine chez Dakota Jackson pour l’un, dans la pop acidulée de Karim Rashid pour l’autre… Non, Athanasios Babalis et Constantinos Hoursoglou ne se sont d’ailleurs jamais croisés ni en Grande-Bretagne, ni aux Etats-Unis, mais se sont retrouvés, à l’occasion d’une conférence à Athènes, autour d’une même approche du design.

“Notre société est en évolution permanente, les produits qui nous entourent doivent donc être constamment réévalués, surtout les produits technologiques”, explique Athanasios. “Je crois en un design au long terme, qui n’est pas soumis aux influences de la mode. J’aime imaginer la manière dont les objets que je crée vont être utilisés, et j’essaie de faire en sorte qu’on les aime à la fois pour leur beauté et pour leur fonction. C’est, d’après moi, la seule manière pour qu’ils fassent partie de l’univers de l’utilisateur d’une manière pérenne.”

Sur ces bases, en 2013, ils décident de s’associer, sans pour autant renoncer à leurs activités personnelles, et lancent, un an plus tard, leurs premières créations communes. “On n’essaie pas d’impressionner”, complète Constantinos, “on laisse nos objets se dévoiler au fur et à mesure, évoluer avec la patine par exemple, qui leur donne du caractère.”

SHI-BOIS

Sobriété, profil bas, c’est toute l’idée derrière le mot japonais Shibui, qui se réfère à la sensation produite par la beauté simple, subtile, discrète, et qui se marie parfaitement avec l’exigence de qualité suisse. Résultat, des objets aux lignes nettes, élégantes, imaginés d’après la nature, la géométrie ou l’écologie, et déclinés sur deux lignes à commencer par les arts de la table. Un univers de bois brut, composé de casse-noisettes, pilon ou container à épices, fabriqués par de petites entreprises familiales, en Allemagne ou en Grèce : “notre relation avec les artisans est capitale, souligne Athanasios, ils nous apprennent régulièrement de nouvelles choses et nous nous améliorons à travers leurs connaissances”.

On n’essaie pas d’impressionner, on laisse nos objets se dévoiler au fur et à mesure, évoluer avec la patine par exemple, qui leur donne du caractère.

La seconde gamme, « DSK », abréviation du mot anglais Desk, fait forcément sourire de notre côté de la frontière. Et dans cette ambiance quasi monochrome, s’invitent occasionnellement du bronze, du papier ou de la porcelaine. “Parfois, l’inspiration vient du matériau, après, on cherche à combler un besoin”, décrit Constantinos. “Comme pour la boîte à bijoux, ronde, pensée à l’origine comme une boîte à montre, pour les hommes. Mais quand on identifie un besoin trop trivial, on n’a pas forcément envie de le faire, de déguiser une boîte à mouchoirs en un autre objet par exemple. A l’inverse, on est parfois obsédé par une chose dont le grand public n’a pas vraiment besoin, là, on fait des erreurs. Au début, nous avions lancé un seau à glace grand volume pour champagne et bouteilles, ou des tables et tabourets démontables, tout ça était très beau, mais difficile à envoyer, ça a été un flop total.”

SHI-SYPHE

Aguerris par ces premiers échecs, les deux quinquas à l’accent et aux patronymes ensoleillés gagnent progressivement en visibilité, exposés à Maison & Objet ou référencés par l’incontournable Wallpaper Magazine. “On pousse notre rocher sur la montagne…”, tiens, une référence mythologique, la Grèce finit quand même par transpirer. “Nous aimons notre pays, mais ne sommes pas des Grecs passionnés”, nuance Constantinos. “Rien ne nous définit en tant que tels dans la manière dont nous travaillons. Par contre, par nos parcours et nos vies parallèles, nous avons développé les mêmes références, on se comprend très bien, on comprend d’où vient l’idée de l’autre.”

Dans la création, ils partagent une même obsession du détail, une nécessité de tout contrôler, mais se laissent suffisamment d’espace pour respirer, tout en étant dans l’honnêteté absolue, la critique mutuelle constructive… A distance. Quelque part sur la toile entre Genève et Thessalonique.

“Il nous a fallu un peu de temps pour trouver notre rythme de croisière, mais maintenant nous sommes parfaitement à l’aise, nous nous parlons tous les jours par téléphone ou par vidéo”. Mais rarement dans leur langue maternelle, “car il faudrait deux pages pour dire en grec ce que l’anglais résume en trois mots !”

Shibui existe aujourd’hui depuis 4 ans, et si tous les objets sont encore dessinés par le tandem, Constantinos et Athanasios envisagent, pour diversifier leur gamme, des partenariats ponctuels avec d’autres designers.

+ d’infos :
www.shibui.ch

© Angelos Zymaras et Nikos Alexopoulos