ces enfants qui font peur
Des parents réfugiés dans leur chambre attendant que la crise passe. Couteaux de cuisine et paires de ciseaux mis à l’abri pour éviter le pire. Sorties au supermarché sous angoisse. Derrière nos chérubins peut se cacher une ombre redoutable.
“On ne naît pas civilisé, on le devient.” La psychanalyste Claude Halmos rappelle que tout enfant petit est habité par le pulsionnel. « Il a envie d’une chose, il la prend. Il a envie de frapper, il frappe.* » Son seul but est de satisfaire son plaisir et comme il se considère comme le centre de tout, rien ne l’arrête. Autant dire que seul, il ne s’en sortira pas. Les adultes vont l’aider à canaliser ses désirs, à tolérer la frustration, en l’éduquant. Et pour le petit, respecter, absorber l’éducation et ses règles peut être aussi roboratif que la lecture des 3000 pages du Code Civil…
L’ENFANT TYRAN
S’il ne s’agit que de se rouler par terre pour sortir à tout prix avec son camion Pat’Patrouille, c’est perdre 10 minutes en négociation. Mais il y a plus problématique. Marie-France Le Heuzey**, psychiatre à l’Hôpital Robert Debré à Paris, définit l’enfant tyran comme celui qui décide de tout, des horaires, des repas, des sorties, des choix télé, des heures de coucher. Il prend sa famille en otage, donne des ordres et pratique l’art du chantage. Au mieux : “si tu ne m’achètes pas ce Pokémon, je ne t’aime plus.” Au pire, il coince la queue du chien dans la porte ou menace de se jeter par la fenêtre. “C’est un enfant particulier par sa place : enfant unique ou aîné, souvent enfant précieux, surinvesti, car né après un enfant décédé, né tardivement ou après procréation médicalement assistée, après adoption, ou après une période néonatale difficile”, précise le Dr Le Heuzey. Ces cibles privilégiées se situent au plus près de lui : ses parents, sa fratrie, ses grands-parents, les animaux du foyer, ou encore tous les biens matériels auxquels la famille pourrait tenir. Autant planquer ses lunettes, son portable ou ses prothèses auditives, avant qu’il ne tombe dessus !
HUMANISER SON MONDE
Faire respecter la loi et sanctionner à toute transgression ne suffisent pas. Postulant qu’en tout être humain résident des pulsions agressives, les parents ont la lourde tâche, non pas de transformer leur Freddy en Petit Prince, mais de faire germer en lui des ressources pour qu’il puisse ne plus agir à partir de ses pulsions. L’ouvrir au monde, au sens de l’autre, à la valeur de la vie humaine. “Ce n’est que s’il se sent précieux qu’il pourra concevoir que les autres le sont”, précise Claude Halmos. Lui faire comprendre que dire «non» à son désir n’est pas qu’une loi, mais est aussi une façon de le protéger et de protéger les autres. La souffrance, la sienne et celle de l’autre, est une notion essentielle à lui faire intégrer en lui faisant ressentir que ce fichu quart d’heure que l’on passe quand on a mal n’est pas souhaitable à qui que ce soit d’autre.
SATISFAIRE SON BESOIN DE CONNAISSANCE
Si votre petite Louise manifeste une nette intention de découper Albert, son poisson rouge, pour voir ce qui se passe, cela n’augure pas pour autant d’un futur trouble de la personnalité antisociale. Tous les enfants, parce qu’ils ne savent pas ce qu’est la mort, font des expériences. Le plus sécure pour Albert est d’entamer le dialogue, d’expliquer, de montrer par une vidéo ou un livre pour satisfaire son besoin de connaissance. Toutefois, les actes violents sont toujours à écouter. S’il existe un profil de tempérament (qui est héréditaire) observable assez rapidement, l’enfant peut aussi souffrir d’un trouble psychopathologique à diagnostiquer et traiter, comme le TDAH (trouble de l’attention et de l’hyperactivité), le TOC (trouble obsessionnel compulsif), les troubles du développement.
+ d’infos :
*Psychologies Magazine-2007 / **www.jim.fr du 12/08/16
• Grandir de Claude Halmos-Livre de Poche
• L’enfant hyperactif de Marie-France Le Heuzey-Odile Jacob
Illustration : Sophie Caquineau