les trésors de gaillac
Len de l’El, Mauzac, Ondenc, Duras, Braucol, Prunelart, le vignoble de Gaillac dans le Tarn regorge de cépages bimillénaires tant blancs que rouges, un véritable trésor ampélographique.
Situé majoritairement entre Albi, Gaillac et Cordes-sur-Ciel, magnifique petit village médiéval cher à Albert Camus et «Village préféré des Français», le vignoble de Gaillac a très certainement été créé il y a presque 2000 ans, au début de notre ère, comme celui de l’Hermitage et de la Côte-Rôtie (le vignoble des Allobroges), bien avant ceux de Bordeaux et de Bourgogne. Situé aux confins nord d’une vaste province conquise par les Romains, la Narbonnaise, qui s’étendait des bords du Léman jusqu’au nord de Toulouse, en passant par le Languedoc, le vignoble des Allobroges alimentait une partie de la Gaule non encore conquise, tandis que celui de Gaillac, dont les vins acquirent rapidement une très bonne réputation, positionné à l’extrémité ouest de ladite province, «arrosait» les légions d’Aquitaine ainsi que les Iles britanniques et les pays du Nord.
Au fil des siècles, la concurrence des vins de Bordeaux fut rude. Le vignoble de Gaillac conserva malgré tout son identité. Plus tard, il affronta la moquerie d’une pseudo-intelligentsia du vin, à la critique facile par manque de culture et d’ouverture d’esprit, sans céder aux sirènes de la mode des grands cépages internationaux. Et c’est un bonheur pour nous, car à l’heure où les grands châteaux du riche et puissant vignoble voisin nous proposent encore et toujours des vins formatés (pourcentage de Merlot important, élevage en fût de chêne neuf masquant l’indigence du jus, …) à des prix déraisonnables, plus d’une vingtaine de vignerons du Gaillacois travaillent en culture biologique et biodynamique et offrent des vins originaux arborant une réelle personnalité, comblant notre soif de découverte et notre soif tout court, et enchantent nos dégustations, à des prix très sages !
Le Len de l’El, ou Loin de l’œil, donne des vins secs ou mœlleux, fins avec une bonne acidité. La Vendange Tardive 100% Len de l’El de L’Enclos des Braves fait partie des grands vins de cette catégorie.
Le Mauzac, ou plutôt la famille des Mauzac (blanc, vert, rose, gris, côte de melon, etc) permet d’obtenir des vins secs, voire effervescents ou doux. La cuvée « Les Mages » du Château de Mayragues est un modèle de fraîcheur et d’équilibre.
L’Ondenc fournit un vin moyennement alcoolisé, parfumé et délicat. L’un des plus beaux vins de ce cépage est sans conteste l’Ondenc doux de Robert et Bernard Plageoles.
Le Duras donne des vins colorés, structurés avec une légère saveur poivrée. Il est souvent assemblé aux autres cépages rouges.
Le Braucol : mon cépage préféré, un grand cépage tout court, à l’égal des Syrah, Cabernet et autre Pinot. Le pur Braucol de Damien Bonnet du domaine de Brin, sur le sol très calcaire du plateau cordais, est magistral.
Le Prunelart donne des vins colorés et charnus qui vieillissent très bien. Celui de Laurent Cazottes – par ailleurs grand distillateur de fruits devant l’éternel – riche, équilibré et long est irrésistible.
Impossible de conclure cet article sans dire un mot de Robert Plageoles. Ce grand vigneron amoureux de sa terre avait compris, bien avant tout le monde, l’importance de conserver ces cépages autochtones, mais surtout en a sauvé quelques-uns, isolés dans de vieilles parcelles, qui sans lui allaient purement disparaître de notre patrimoine ampélographique. Il nous a redonné l’Ondenc, le Prunelard et le Verdanel par exemple. Je lève mon verre à lui…
+ d’infos : www.club-oenopion.com