wall streets in lyon

15 Juin 2018

faites le mur !

Dès qu’il a dû se réfugier dans une grotte, l’homme a commencé à en peindre les parois. Et quand les villes se sont construites, quelle aubaine, elles étaient pleines de murs !… Capitale de la fresque monumentale, Lyon en a pris plein les façades. de quoi faire une jolie balade, entre trompe-l’œil et street art, pour écouter ce que les murs ont à nous dire.

Demandez à un touriste ce qu’il vient voir à Lyon. Il vous répondra : les bouchons (les restaurants, pas ceux du périph’), Fourvière, les traboules et… les murs peints. Ces fresques gigantesques en trompe-l’œil qui ont pour vocation de redorer l’image de certains quartiers et de valoriser, via l’art, un urbanisme parfois désuet, triste ou carrément à l’abandon. Il y en a plus d’une centaine à Lyon, qui font désormais partie du patrimoine et valent à la ville son statut de capitale mondiale – rien que ça – des murs peints en toute légalité. Au bout du pinceau, Cité Création, la coopérative d’artistes qui fête aujourd’hui ses 40 ans et qui a en effet signé la plupart des fresques emblématiques lyonnaises comme le mur des Canuts, la Fresque des Lyonnais ou le Musée Urbain Tony Garnier. Un savoir-faire qui s’exporte : de Berlin, à Québec ou Shanghaï, Cité Création a rhabillé plus de 750 façades aux quatre coins du Monde.

Gros plan sur la fresque des Lyonnais, Quai St Paul

Off the wall

En parallèle, et de manière beaucoup plus sauvage, les murs lyonnais, comme ceux de toutes les villes, servent aussi de support à une pléiade de street-artistes : des œuvres monumentales, pignons entiers, ou de simples clins d’œil, humoristiques, politiques ou poétiques.

Graffiti, pochoir, mosaïque ou collage, cet art urbain né aux US dans les années 60 débarque en France au lendemain de Mai 68 et s’inspire de l’affiche, de la BD et du comics underground américain. Dans le sillage d’Ernest Pignon-Ernest, considéré comme l’un des précurseurs, il est popularisé par des artistes comme Bleck le rat et Jérôme Mesnager, père de la célèbre silhouette stylisée, l’«Homme en blanc». Souvent vecteur de contestation ou de revendication, le street-art est rapide, éphémère, généralement illégal – considéré comme du vandalisme, il peut occasionner une amende allant de jusqu’à à 30000 € -, là où le mur peint est mandaté, pérenne et réalisé au grand jour.

Mais les frontières entre les deux restent poreuses. Pour certains, il s’agirait de ne pas mélanger les torchons et les serviettes. Ok, mais nous, on n’est pas du milieu, et tout ce que l’on voit, c’est qu’artistes et artisans, officiels ou officieux, habillent, peignent, embellissent, font parler les murs ! Laissons donc les petites gué-guerres intestines aux puristes et partons, le nez en l’air, pour une balade entre licite et illicite. On en prendra de toute façon plein les yeux !

Jeudi matin, 10h. Un soleil radieux nous accueille sur le plateau de la Croix Rousse, quartier emblématique s’il en est, berceau des Canuts, qui concentre un bel échantillon du street-art lyonnais. Traditionnellement de gauche, doucement mais sûrement en cours de gentrification – si vous n’avez pas, de votre côté, besoin d’impressionner votre rédac’ cheffe, vous pouvez dire de boboïsation, c’est la même chose – les graffitis y sont tolérés. C’est là que nous retrouvons Ambre et Alexandre, de Lyon-Visite, association d’amoureux de la capitale des Gaules. Diplômé d’histoire de l’art, fan du graffeur britannique Banksy, c’est en faisant découvrir l’histoire des Canuts qu’Alexandre s’est familiarisé avec les différentes œuvres de rue. Les Canuts d’ailleurs, parlons-en…

Des séries & des hommes

En avançant le long du boulevard du même nom, il est incontournable. Premier arrêt, donc, au pied du Mur des Canuts qui se dresse, majestueux, devant nous. 1200m2 de fresque, la plus grande d’Europe, réalisée par Cité Création en 1987. Elle recouvre alors une grande façade grise et moche, avec, pour objectif, de mettre en valeur la Croix Rousse et ses habitants. Certains d’entre eux, personnages charismatiques du quartier, évoluent même avec le mur, grandissent ou vieillissent à chaque rénovation – la 3ème et dernière en date remonte à 2013 – , d’autres apparaissent. On y trouve notamment Guignol, LE canut par excellence; le chanteur de rue Jean-Marc le Bihan ; une petite famille dont l’ado n’était que bébé sur la version précédente ; et un hommage aux Soyeux avec la représentation de la boutique «Rêve de soie». L’effet trompe-l’œil est particulièrement abouti dans la réalisation de l’escalier, élément architectural typique des Pentes de la Croix Rousse.

Troisième version du mur depuis 2013
Les personnages ont rajeuni, nous sommes 15 ans plus tôt

Allez c’est pas graff

Quand nous parlions de frontières poreuses… Le graffiti passe de plus en plus souvent du côté légal de la force. Preuve en est, cette gigantesque fresque éphémère de poisson, «Combattant du Siam», réalisée par le graffeur Kalouf sur la Place des Tapis. La 2ème sur ce mur. A l’origine, l’association Mur 69 qui recherche, comme son nom le laisse imaginer, des murs sur lesquels les artistes peuvent s’exprimer. Avec l’aide de la mairie du IVème arrondissement, l’association a pu contacter le propriétaire de cet immeuble de cinq étages, et après trois ans de négociations, le projet de la première fresque a vu le jour. C’était en 2016. Un contrat est donc signé pour quatre ans, au cours desquels les artistes se succéderont pour recouvrir les précédentes fresques. C’est le 1er mur officiel d’art urbain à Lyon.

Paradoxe de ce retour à la légalité, les street-artistes, dont l’objectif était à l’origine de faire sortir l’art des galeries, s’y retrouvent à nouveau. Fin 2017-début 2018, le musée de Fourvière a, par exemple, accueilli pendant 3 mois un collectif de 18 graffeurs (dont Kalouf) pour s’exprimer sur les murs de l’ancienne chapelle, avant d’entamer la rénovation des lieux. Graffiti et crucifix, dépaysement garanti.

Fresque éphémère, Place des Tapis

Arti-Stick

Alors on est peut-être restées coincées dans les années 90, mais dans notre esprit à nous, les street-artistes se baladaient avec une bombe aérosol à la main, point. Mise à jour nécessaire, les techniques ont évidemment évolué… Le pochoir reste d’actualité : démocratisé dans les années 80 par Miss-Tic ou Bleck le rat pour se différencier des artistes américains, il permet de préparer un dessin en atelier et de le reproduire très vite en situation. Même plusieurs fois, si le pochoir est de bonne qualité. Mais on trouve aussi de plus en plus de collages, des stickers, rapides à déposer, faciles à enlever, la dégradation est donc moins évidente. Les plus poétiques sont les vinyls de Keza, dispersés sur les pentes, dont s’envolent des oiseaux. Ils sont souvent accompagnés des petits robots en mosaïque de Space Invader

Spray for us

Mais le graffiti reste principalement un art urbain clandestin. C’est d’ailleurs cette notion qui intéresse et fédère bon nombre d’artistes. Elle impose surtout une rapidité d’exécution qui donne son énergie à l’œuvre. Une énergie rarement vide de sens. Ce que veulent les graffeurs, la plupart du temps, c’est revendiquer, dénoncer, déranger… “L’œuvre, ce n’est pas l’image elle-même, mais ce qu’elle provoque d’interrogation sur le lieu”, disait d’ailleurs Ernest Pignon-Ernest.

Dénonciation de notre disponibilité intellectuelle squattée par la télé, caricatures de Donald Trump ou Emmanuel Macron, devant les œuvres de By Dav ou Kilroy, Alexandre explique : “Il y a déjà quelque chose de politique dans le simple fait de s’approprier la rue de manière libre. Même si, aujourd’hui, il y a moins de street-artistes à l’ancienne, anonymes et engagés. Maintenant, on les connaît, on les retrouve dans les galeries et le graffiti est beaucoup plus toléré. Ils peuvent se faire confisquer leur matériel mais ne risquent plus la garde à vue. »

Vert salutaire

Un peu plus loin, en face d’un bâtiment qui vient d’être repeint par la Municipalité – qui intervient généralement sur demande des riverains ou des propriétaires – Ambre et Alexandre nous arrêtent devant un message tout simple «Fais de beaux rêves», que nous avions à peine remarqué. Il est écrit avec de la mousse. C’est la patte de Green, artiste… vert. Paysagiste de métier, il crée avec des matériaux naturels, du bois, des champignons… Sa version du Cri de Munch, en écorce, accrochée à un arbre sur une petite place des Pentes, résiste au temps. Comme toutes les autres, les consciences des graffeurs s’éveillent à l’écologie. Big Ben, une des références du street-art lyonnais utilise d’ailleurs des colles à base de farine qui partent avec la pluie.

Composition à durée limitée

Car l’art urbain est éphémère par nature. Il est voué à être repeint, remplacé. La visite proposée par Ambre et Alexandre nécessite donc un re-cadrillage régulier. Au pied d’une volée d’escaliers qui donne sur toute la ville et sur les Alpes – oui, les Alpes ! incroyablement visibles par ce temps magnifique – nous nous cassons d’ailleurs les dents sur un énorme – tag illisible, venu recouvrir une Marianne dessinée par Goin, dont seules les jambes dépassent encore. Une voisine nous interpelle de sa fenêtre : “ils ont fait ça dans la nuit, quel dommage…” Car les riverains s’approprient certaines œuvres, s’y attachent.

C’est le cas des yeux de David Bowie, en face de l’église du Bon Pasteur, réalisés par Big Ben au moment du décès du chanteur. Une œuvre qui vient défier le caractère éphémère du street art puisqu’une pétition, lancée après une rumeur concernant son nettoyage, avait réuni plus de 3800 signatures. La Mairie a pourtant nié tout projet de démolition et les copropriétaires de l’immeuble qui l’apprécient, n’ont aucune intention de la retirer. Cette mobilisation a d’ailleurs fait réagir l’artiste qui écrit sur sa page Facebook : “c’est une façon intelligente d’informer les politiques de la place que peut tenir l’art urbain dans la vie des gens, et ainsi les inciter à lui donner plus d’importance… Lyon doit sortir du côté académique et classique de cet art et ouvrir davantage de murs”.

Les yeux de David Bowie

Lyon capitale des walls

Ce côté académique, nous revoilà plantées devant, Quai St Vincent, au pied de la fameuse fresque des Lyonnais. Miro, Picasso, Gaudi… n’y sont pas représentés, mais ils sont peints sur la fresque des Balcons de Barcelone, réalisée en 1992 par la Cité Création dans la capitale Catalane. Devant son succès, Michel Noir, alors maire de Lyon, commande à la coopérative un projet similaire. Sur un flanc aveugle de 800m2 sont peintes 24 figures historiques (Antoine de Saint Exupéry, Sainte Blandine, les frères Lumière, Tony Garnier, Claude Bernard…) et 6 contemporaines (Bernard Pivot, Bertrand Tavernier, Paul Bocuse…), des personnalités qui ont fait Lyon, pour un mur qui n’a pas seulement rendu sa fierté à un quartier, mais à toute une ville.

Article réalisé avec Pauline Marceillac.

+ d’infos :
lyon-visite
.info

Fresque des Lyonnais, Quai St Paul

© Gilles Bertin / Lyon visite

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

pis paul : saut dans le temps… X

J’AI BEAU GDANOV, JE N’EN MÈNE PAS BIEN LARGE !

Suivez nous !

et ça, t’as vu ?

MONTREUX JAzz

L'INCONTOURNABLE - S’il y eut réellement, un jour, le feu au lac, c’est bien à Montreux, en 1971 au Casino, et l’événement inspira à Deep Purple son mythique Smoke on the water. Tout à Montreux est donc légende, des affiches aux jam-sessions surprises, en passant par...

pis paul : saut dans le temps… X

J’AI BEAU GDANOV, JE N’EN MÈNE PAS BIEN LARGE !

Quelles clés pour fermer sa société ?

ET 1, ET 2, ET 3… POUR REPARTIR À ZÉRO

PSYCHO : FINIR SUR UN SOURIRE

Un adieu peut-il être joyeux ?

basta cosi !

Basta Cosi, c'est toute la cuisine traditionnelle italienne avec une pointe de modernité, une carte élaborée à partir des meilleurs produits venus directement d'Italie, pâtes fraîches artisanales, charcuterie italienne DOP et IGP, viandes et poissons frais. La pâte à...

DESSERT CRAQUANT

Chic, c’est l’été !

pIS pAUL, bEST OF

STARS AU COMPTOIR

RECETTE D’ÉTÉ

Pour changer des salades…

Pin It on Pinterest

Share This