dans la famille pic…

17 Fév 2018

la fille de son pair

Seule femme triplement étoilée en France, Anne-Sophie Pic est autodidacte. Mais elle a été élevée au son des marmites qui mijotent, des viandes qui rôtissent, des jus qui réduisent, dans une maison où se sont succédé 3 générations de cuisiniers surdoués et dans le sillage d’un père parti trop tôt.

Si le nez d’Anne-Sophie Pic a musardé, dès son plus jeune âge, au-dessus des casseroles de son père Jacques, il avait lui-même fureté, en culottes courtes, entre les gamelles d’André, le grand-père, qui avait, en son temps, laissé traîner ses doigts dans les sauces de Sophie, l’arrière-grand-mère. Génération après génération, la Maison Pic fabrique donc des cuisiniers. Des grands. Des trois étoiles sinon rien.

En toute logique. Anne-Sophie aurait donc dû, elle aussi, suivre le tempo et se mettre au piano. A 20 ans, pourtant, celle qui allait devenir la première femme «Chef de l’année», préfère d’abord s’éloigner du prestigieux établissement familial de Valence. Mais bon sang, surtout s’il est gourmand, ne saurait mentir, et ses gènes finissent par la rattraper. Au début de l’été 1992, après avoir voyagé et suivi des études de gestion, elle fait le choix de revenir en cuisine, pas pour un coup de main, pas pour une saison, mais pour la vie. Son père en pleure de joie. Mais il a à peine le temps de lui transmettre les bases, quelques mois plus tard, Jacques meurt brutalement.

Sophie, son arrière-grand-mère.

PIC ET PIC ET PSYCHODRAME

Sans lui, les débuts sont difficiles. Anne-Sophie n’a que 23 ans et cumule les «handicaps» aux yeux de ses compagnons marmitons : c’est une femme dans un milieu très masculin, elle a fait des études – est donc considérée davantage comme intellectuelle que manuelle -, et c’est la fille du patron. Dire qu’elle est mal accueillie est un euphémisme. « Même si je suis la fille de Jacques Pic, certains ne comprenaient pas que je veuille faire de la cuisine mon métier. C’est vraiment ce qui me plait et le domaine où je peux m’exprimer avec un talent grandissant. J’ai eu longtemps le sentiment de livrer une course de fond. Je savais qu’une femme devait prouver davantage. Il m’a beaucoup encouragée. Je suis certaine qu’il serait heureux de me voir là. Je lui parle souvent dans mon cœur et je crois vraiment à la petite étoile là-haut qui me protège »*.

Comme lui, elle cisèle l’esthétique de ses créations : “Il jouait beaucoup sur l’originalité et le raffinement, apportait un soin extrême à la présentation des plats. C’est sans doute pour cela que je travaille beaucoup le visuel de l’assiette. Je crois que j’y ai pensé souvent avant le goût et l’association des saveurs. Cela vient aussi de mon père qui a su éduquer mon palais. C’est probablement dans ce domaine qu’il m’a le plus influencée »*.

A gauche : André, son grand-père. A droite : Jacques, son père.

PIC-QUÉE AU VIF

Mais en 1997, l’établissement perd sa 3ème étoile. Ce coup de massue provoque le départ d’Alain, son frère, qui officiait avec elle en cuisine, et un déclic : Anne-Sophie décide de suivre un vrai apprentissage, et, soutenue par les poids lourds de sa brigade, ceux qui avaient oeuvré aux côtés du paternel, elle reprend, avec David Sinapian, son mari, la tête de la Maison Pic. “Je m’étais promis d’apporter quelque chose de nouveau chaque jour et j’entendais bien m’épanouir dans ce métier que j’avais choisi. Je n’étais pas là par devoir et pourtant jetais doublement bloquée par la peur de l’inconnu et le deuil de mon père « *.

Il lui faudra dix ans pour prendre sa place, faire la paix avec ce passé, s’émanciper jusqu’à reconquérir la reconnaissance dont elle avait été dépossédée. « Quand en 2007, j’ai appris la nouvelle, ma première pensée a été pour mon père. J’avais ainsi honoré mon devoir de mémoire, rendu à la maison familiale sa troisième étoile. Ces trois étoiles étaient à la fois un aboutissement et un commencement. La possibilité d’aller de l’avant, d’explorer librement mon territoire d’expression culinaire autour des associations de saveurs et de la complexité aromatique”*.

PIC DE CROISSANCE

Couronnée, quelques années plus tard, Meilleure Femme Chef au Monde, Anne-Sophie Pic n’est pas seulement devenue l’égale de ses pères et pairs, elle a transcendé son héritage. Aujourd’hui, Pic n’est plus qu’une Maison, c’est un groupe : quatre restaurants étoilés, de la lère à la 3ème, entre Valence, Paris, Londres et Lausanne, une cantine gourmande, une épicerie, une école de cuisine. En 2016, elle a également ouvert «André» un restaurant qui porte le nom de son grand-père et dans lequel elle propose les recettes de ses illustres aïeux : “J’avais envie de rendre un hommage. C’est donc un fil conducteur avec le passé et de jolis plats qui n’ont pas vieilli, que j’ai su alléger et qui sont réconfortants. Bien sûr, en cuisine la «jeune génération» ne les comprend pas toujours car il faut avoir le souvenir de ces plats pour les appréhender”.

A la carte donc, des noms qui fleurent bon le milieu du XXème siècle, la tête de veau roulée sauce gribiche, le boudin Richelieu et ses champignons bruns de Paris, les rognons de veau à la moutarde de Meaux ou le fameux soufflé glacé à l’orange de Jacques Pic… Preuve s’il en faut, que chez les Pic, le mot transmission est gravé en lettres d’or au-dessus des fourneaux. 

+ d’infos :
anne-sophie-pic.com

*Avec l’aimable autorisation de Jean-François Mesplède, chroniqueur gourmand et ancien directeur du Guide Michelin France, pour les extraits de ses ouvrages «Au Nom du Père» écrit avec Anne-Sophie Pic (Glénat. Vainqueur aux Gourmand World Cookbook Awards, 2004) et «Trois Etoiles au Guide Michelin» (Page d’Ecriture, 2016).

Ça vous a mis l’eau à la bouche ?

En exclusivité, pour découvrir la recette du soufflé glacé au Grand Marnier & orange valencia de la famille Pic, c’est ici que ça se passe.

Photo : Emmanuelle Thion

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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