Jupe alors !
Parmi nos rituels familiaux entre le chocolat chaud et les petits pains, le dress-code est quasi-quotidiennement l’occasion d’échanges savoureux avec N°1.
« Tu comptes vraiment partir au lycée habillée comme ça ???” m’étranglé-je avec mon Earl Grey.
“La nuque rasée, j’ai rien dit, les extensions et les tresses façon « je me suis découvert des origines séné- galaises » non plus, mais là, ça va pas le faire !
– Et voilà, ça tombe encore sur moi, chui vraiment le bouquet mystère dans cette famille !
– Le quoi ?… Mais enfin Choupette, tu te doutes bien que je ne vais pas m’étouffer devant ta sœur avec son jean tout clean et ses baskets customisées.
– Ben quoi ? T’aimes plus mes Docks ?
– Je les adore, mais ta jupe…
– Eh bien justement, c’est parce qu’aujourd’hui, on est déter’, on se met tous en jupe, filles et garçons, pour protester parce que Nina a été collée à cause de sa jupe soi-disant trop courte.
– Mais enfin, ça, c’est PAS une tenue pour le lycée !
– Et pourquoi, s’il te plaît ? Parce qu’elle va empêcher les garçons de se concentrer, comme le dit le CPE ? Mais derrière tes grands discours féministes, en fait, t’es juste une traîtresse à notre cause !
– Maman elle a pas de tre-tresses, elle a les cheveux courts-courts…” remarque N°3, vaillante défenseuse de la mère.
– “Les droits de la femme, c’est vraiment quand ça t’arrange”, reprend mon aînée engagée, “quand Papa doit t’aider pour les repas, que tu veux être peinard avec tes cops pour une soirée margarita ou que tu veux pas t’épiler sous les bras…
– … Ni ailleurs… En ce moment, Poulette, tu es plutôt nature aux pattes”, sourit l’Homme derrière son bol de café.
Je n’ai même pas le temps de répondre à cette saillie de ma moitié, que notre pasionaria reprend son plaidoyer.
– “Alors voilà, si j’étais un garçon, je pourrais porter n’importe quoi, mon caleçon pourrait dépasser de mon pantalon, mon t-shirt moulant pourrait laisser pointer mes tétons et on ne me parlerait pas de celles que je risque d’exciter, on n’aurait pas peur que je me fasse agresser, on me dirait juste que je suis canon !
– Mais T’ES canon ma Choup’ ! Et, si tu me permets de nuancer ton propos, ce n’est pas non plus pour ça que le premier mec que tu croiseras dans la rue se jettera sur toi. On n’est pas tous des bêtes quand même !”, tempère le Père.
– “Bon, Choupette, que tu veuilles faire passer un message, très bien, mais là, j’ai peur qu’il n’atteigne pas sa cible. Et ce ne sont pas tes jambes qui risquent de l’en empêcher… Tu t’es bien regardée dans la glace ? Sous TOUTES les coutures… ?” Prise d’un doute, mon aînée va solliciter l’avis de son miroir. Du fond de sa chambre, on entend alors monter un grand « Haaaaaaaannnnnnn LE SEUM !!! » Elle revient en trombe et en collants : “T’aurais le temps de me la raccommoder ? Parce que même si me sens de plus en plus forte, je crois que je suis pas encore prête à ce qu’on voit ma culotte…”
Illustration : Sophie Caquineau
+ d’infos : http://mavraieviedemaf.wordpress.com