le chapeau qui tourne rond
Les chapeaux en feutre de Milie Néry ont des couleurs profondes, le sens du mouvement, une théâtralité toute contemporaine. Et ne manquent pas de personnalité, puisqu’ils en ont plusieurs!
Nom : Émilie Boutin.
Âge : 31 ans.
Diminutif : Milie.
Marque : Milie Néry de Lyon.
Les fortiches en langues auront déjà souri. Ils savent que «millinery», en anglais, signifie «chapellerie». Pourquoi les chapeaux ? “Aucune idée ! J’aimerais pouvoir vous raconter l’anecdote qui expliquerait tout… mais non ! Remarquez, c’est certainement un prétexte créatif”. Parce que les couvre-chefs ne faisaient pas partie du programme au départ. L’humanitaire, en revanche, oui. “Mais pour sauver le monde, je me suis vite aperçu qu’il fallait des compétences : infirmière, médecin, ingénieur… Ou payer pour participer à des chantiers”.
DE LA SCÈNE À LA VILLE
Cette Lyonnaise part tout de même en Inde, à 18 ans, en mode baroudeuse. Achète des tissus dans ce pays où le textile est roi. Se dit qu’une fois découpées, elle saura bien assembler les différentes parties, en faire des vêtements. Un artisan local lui fait vite comprendre qu’on ne s’improvise pas couturier et propose de lui enseigner quelques bases. Aïe, ça y est, elle est piquée de couture. A son retour, l’aspirante «éduc spé» s’inscrit en BTS Tourisme et en parallèle tente le CAP Couture, dur à décrocher.
Le ticket d’entrée ne sera que pour le fil et les aiguilles. “C’était presque bourgeois pour moi de m’accorder le temps d’apprendre un métier artistique, payé par mes parents. Il existe tellement peu de débouchés…” Emilie Boutin est si ravie de la nouvelle direction imprimée par ce voyage oriental qu’elle enchaîne avec un DMA Costumier. Le monde de la scène s’ouvre aussi à elle, puis se spécialise en chapeaux, qu’elle se met à fabriquer, en 2011, pour le Cirque du Soleil au cours d’un autre voyage, déterminant lui aussi. Elle décide de lancer sa propre marque la même année. Et voilà sa double casquette : modiste-intermittente du spectacle pour l’Opéra de Lyon, et créatrice de chapeaux.
TOURNICOTI…
Dans son atelier en étage, les mains miliesques s’affairent pour modeler, pièce après pièce, des formes calquées sur les spirales d’une fleur, d’un escalier à vis, les courbes d’arabesques et encorbellements de bâtiments. Ses caloquets ont le sens du mouvement. Et de la situation.
Avec elle, les chapeaux gagnent en liberté : ils sont coiffants de tous les côtés, aucune couture ne marque l’avant ou l’arrière, “parce que l’on est toujours en action, j’aime que les choses puissent s’adapter à plusieurs envies, un peu comme une chemise, qui, suivant l’humeur, se porte boutonnée ou non, nouée, les manches retroussées…”. Le Wide Nomade pousse le principe loi. Par un système de bouton pression, le modèle adopte jusqu’à 8 formes différentes grâce aux bords et au fond qui coulissent. Toutes les coiffes sont pliables, modulables, simples à déployer comme à ranger. Transformers n’a qu’à bien se tenir !
L’ingéniosité contemporaine des couvre-chefs tape dans l’oeil des conservateurs du musée Gaudi. Ils ont perçu, dans son style, une filiation avec le maître de l’Art Nouveau. Bigre. Ses feutres aux plissés aussi savants que ludiques sont ainsi en vente dans la boutique du musée à Barcelone, et dans de nombreuses autres grandes villes : Londres, Bruxelles, Tokyo, Amsterdam, Genève, Venise… Comptez entre 175 et 350 euros pour acquérir l’un de ces accélérateurs de style.
Les hommes y auront également bientôt droit… Tournicota.
+ d’infos :
www.milienery.fr
Par un système de bouton pression, le modèle adopte jusqu’à 8 formes différentes grâce aux bords et au fond qui coulissent. Toutes les coiffes sont pliables, modulables, simples à déployer comme à ranger.
Photos : Clémence Bacha I Félix Ledru
