tina kieffer

10 Déc 2019

étude de K

UNE ÉQUIPE DE CHRONIQUEUSES IMPERTINENTES, DES NANAS QUI PAPOTENT, TAQUINENT, BOUSCULENT… DANS LE PAYSAGE AUDIOVISUEL DES ANNÉES 90, FROU-FROU N’A PAS D’ÉQUIVALENT. «INTERDITE AUX HOMMES», SAUF L’INVITÉ, L’ÉMISSION PARLE AUX FEMMES ET RÉVÈLE DES PERSONNALITÉS FORTES, DONT UNE ÉLÉGANTE BRUNE ALORS JOURNALISTE POUR COSMOPOLITAN : TINA KIEFFER.

L’équipe Frou-frou en 1992

Septembre 92. J’ai 16 ans, et en cette fin de samedi après-midi, devant la télé, je tombe sur un ovni. Entre le bondissant «Coucou c’est nous !» de Dechavanne et les confidences intimistes du «Bas les Masques» de Mireille Dumas, Frou-Frou propose une autre voie : les sujets sont légers, mais pas toujours, les invités charmants, Huster, Arditi, Antoine de Caunes… les fous rires contagieux. Tina Kieffer y présente la chronique «On n’en est pas gaga !», et démontre que tout ce qui est à vendre n’est pas à prendre. Même si elle n’y reste que 9 mois, son passage dans la bande à Bravo la propulse sur les devants de la scène audiovisuelle.
Elle travaillera quatre ans pour TF1, avant de revenir à l’écrit, en créant d’abord le magazine DS, puis en prenant la direction de Marie Claire. Mais en 2004, alors qu’elle est en vacances avec sa famille, sa vie bascule dans le jardin d’un orphelinat près de Phnom Penh, quand son chemin croise celui de la petite Chandara. Loin du dernier «Spécial Maigrir» et des défilés Chanel, elle, qui a déjà 4 enfants, se laisse gagner par «le désir impérieux de devenir la mère d’un enfant privé de tout». Non seulement elle fera de Chandara sa fille, mais elle créera ensuite une association, Toutes à l’Ecole, et un établissement au Cambodge, Happy Chandara, où sont aujourd’hui scolarisées 1400 petites élèves, du CP à la Terminale.

Activmag : Le fait qu’on vous ramène toujours à Frou-Frou, vous l’appréciez ou ça vous contrarie ?

Tina Kieffer : Ça dépend de comment c’est fait et par qui. Quand c’est dans un contexte général, c’est une époque que je ne veux pas nier, parce que c’était une très bonne émission, qui m’a permis de rentrer à la télé et de faire plein de choses. Ce qui me gêne, c’est quand on ne parle que de ça, avec la question récurrente : “et alors, Christine Bravo ?” Là, nettement moins.

On n’avait jamais vu, avant, une équipe de nanas comme ça à l’écran, et ça donnait l’impression que vous étiez une bande de copines…
C’était vrai, il y avait un ton qui étaitassez nouveau à la télé et une vraie complicité féminine, d’ailleurs je suis toujours proche de plusieurs d’entre elles.

Comment avez-vous intégré cette équipe ?
C’est Ardisson qui m’a appelée. Il voulait reproduire l’idée des conférences de rédaction des magazines féminins, sous forme d’émission de télé : avec plusieurs journalistes autour d’une table qui préparent un sommaire. Comme à l’époque, le ton impertinent, c’était quand même le magazine Cosmo qui l’avait beaucoup, avec pas mal d’humour, décapant, pas frileux, il s’est dit : “je vais contacter les journalistes de là-bas, celles qui ont déjà cette façon de s’exprimer un peu particulière”.

Cosmo d’abord, la télévision ensuite, puis retour à la presse écrite, quelle a été la période la plus épanouissante pour vous ?
A part l’école (ndlr : Happy Chandara), qui est un engagement plus qu’une profession même si ça reste un métier, ça a été quand même de reprendre Marie Claire et de lancer la nouvelle formule. Ça a été passionnant à tous les niveaux, créatif, intellectuel… C’était un peu une institution, un journal qui avait du fond et on m’a vraiment laissé carte blanche. Même si j’ai beaucoup aimé la création de DS, parce que c’est aussi excitant de créer un journal en ne partant de rien, Marie Claire, ça a vraiment été très très intéressant.

C’était un métier de combats, parce que Marie Claire est un magazine engagé, mais aussi parce qu’il s’agissait de gérer une équipe…
Moins qu’à la télé où j’avais une unité de programme, avec une grosse équipe et surtout, je découvrais le métier de productrice, c’était un format que je maîtrisais moins bien, j’ai dû apprendre beaucoup de choses au niveau du management. C’est moins le cas pour Marie Claire, où je travaillais avec des journalistes. On était tous focalisés sur les mêmes trucs, on avait la même vision de ce qu’on voulait défendre dans le magazine, c’était moins du management, plus de la discussion…

Pourtant, j’ai lu que 6 rédactrices en chef étaient passées à Cosmo sous votre direction…
Ça c’est Wikipédia ! Par exemple, pour Béatrix de l’Aulnoit et Lydia Bacrie, qui sont citées dedans, on a l’impression qu’elles ont été virées, alors que ça n’a jamais été le cas et que ce sont des amies. Elles ont même essayé de joindre Wikipédia pour dire que c’était n’importe quoi… Le problème, c’est qu’il y avait l’image de Frou-Frou et du conflit avec Christine Bravo. Donc, on vous met dans une case comme ça. Ce qui est arrivé, c’est qu’à Marie Claire, une journaliste a été renvoyée, non pas par moi, mais par la direction, au-dessus, parce qu’elle ne faisait qu’un papier par an et écrivait des bouquins, donc ils en ont eu marre de la salarier. Ça coïncidait à peu près à mon arrivée et j’étais connue… C’est toujours plus intéressant de taper sur quelqu’un de connu plutôt que de raconter simplement qu’on a des problèmes avec son employeur. Du coup, elle a véhiculé plein de choses pour défendre son propre dossier, ce qui a fait qu’après, j’ai eu cette réputation. Mais c’est une fille que je n’ai pratiquement pas connue.

Dans toutes ces différentes expériences, quels ont été les moments plus marquants, les sujets qui vous ont vraiment tenu à cœur ?
Sous la présidence Bush (2001), dans chaque numéro de Marie Claire, on faisait une page contre la peine de mort aux Etats-Unis. J’avais décidé de me mettre là-dessus suite à un papier dans la presse régionale qui racontait qu’un village français s’était mobilisé pour  un condamné, Farley Matchett. Il y avait de grande chance qu’il soit innocent et je trouvais remarquable qu’un village ici se mobilise pour
un pauvre mec, un Black dans le couloir de la mort là-bas. J’avais fait un papier dans Marie Claire qui s’appelait : «Qui veut sauver Farley Matchett ?». Du coup, comme je suis rentrée là-dedans, je me suis intéressée à la condition des condamnés, j’ai vu le nombre d’erreurs judiciaires qu’il y avait eu dans le passé, qui avait été déterrées après les exécutions et c’était justement au moment où Bush revenait en scène avec un discours très très dur là-dessus. On a donc eu envie de faire une page tous les mois. Je me souviens qu’on avait réussi à faire financer un avocat qui avait réussi à faire libérer un condamné innocent. On a aussi organisé un colloque avec Robert Badinter et fait signer une pétition, pour laquelle on a collecté 500 000 signatures au niveau européen ! Et j’ai demandé à Catherine Deneuve de la remettre à l’ambassadeur des Etats-Unis en France. Ça a pris une grosse ampleur et ça a été vraiment passionnant.

Vous êtes une femme d’engagement, qu’est-ce qui a fait que vous ne soyez jamais entrée en politique ?
C’est super difficile quand on est en politique de pouvoir faire tout ça ! On a vu au niveau de l’environnement ce que ça a donné… En politique, on ne peut pas dire ce qu’on pense, on est constamment en train de faire des compromis et on a la pression des lobbies. Et même sans parler des lobbies… En France, je trouve qu’on subit une bien-pensance épouvantable aujourd’hui. Dès que vous dites quelque chose de travers, vous êtes taxés de tous les mots ! Du coup, vous êtes freinés aussi dans votre cheminement intellectuel. Je préfère franchement rester de l’autre côté, avoir une association, travailler sur le terrain. On va peut-être faire moins de choses, et encore, je n’en suis pas sûre, parce qu’on a quand même, avec Toutes à l’Ecole, 1400 gamines et leurs familles qui s’en sortent ! Je pense que si j’étais dans la politique, ce serait beaucoup moins concret. Il faudrait toujours que ça passe par le filtre de la communication, de la déformation, et je crois que je n’ai pas un caractère qui s’adapte à ça.

Justement, quelle a été votre dernière colère ?
Sûrement autour du débat relancé sur le voile, avec la victimisation de la personne qui est venue voilée avec son gamin. Le problème, c’est qu’en face, c’est un député du Rassemblement National qui ouvre la bouche. Parce que même s’ils trouvent qu’il y a un problème, les autres n’osent pas le faire de peur d’être associé au RN. Et ensuite, qu’est-ce qui se passe ? Des gens vont signer une pétition parce que cette pauvre femme a été traumatisée devant son enfant. Arrêtez deux secondes ! Le voile, c’est quand même le symbole de l’oppression féminine !! Ça n’a pas lieu d’être chez nous, point barre. Et ce qui me gène, c’est quand on voit cette journaliste (ndlr : Zineb el Rhazoui, ancienne journaliste de Charlie Hebdo) qui dit des choses franchement là-dessus et qui reçoit des menaces de mort, personne ne s’inquiète de ce que subissent ses enfants, à elle ! Par contre, d’un seul coup, tous les intellos bien-pensants de la gauche caviar vont dire : «mon Dieu, cette pauvre femme voilée a été traumatisée devant son enfant !». Y’a un moment, il faut arrêter, ça devient n’importe quoi ! Vous voyez, avec ces colères, heureusement que je ne fais pas de politique, parce qu’ils seraient capables de m’associer au RN, que je vomis profondément, puisqu’à côté, je suis extrêmement engagée pour la cause des migrants. Mais ce que j’entends sur le voile, je trouve que c’est absolument dramatique, on est dans un laxisme redoutable. Et ce n’est pas du tout faire l’amalgame avec l’Islam, ça n’a rien à voir avec ça. Il y a des mouvements en France qui sont extrêmement dangereux et justement par peur de faire un amalgame, on les laisse faire. Ça c’est grave.

Est-ce qu’avec votre nouveau choix de vie, loin de tout ça, vous avez changé ?
Pas facile de savoir si on a changé, si on est différente… A Marie Claire, on était déjà vachement dans les causes dures. En rentrant dedans, je dirais qu’à la limite, je suis moins déprimée qu’avant : agir allège l’angoisse. Surtout que je suis sur une cause qui n’est pas anxiogène. Je vois des petites filles qui ne font que sourire, qui sortent de leur milieu… En plus, elles sont merveilleuses, elles sont reçues à 100 % au bac, on ne leur en demandait pas tant ! C’est sûr que le boulot est très lourd, mais on est vraiment portées par elles, par leur enthousiasme et leur détermination, c’est quelque chose qui vous file vraiment la pêche. Au départ, vous êtes là pour les pousser, puis finalement, vous vous donnez la main pour avancer ensemble, et parfois même, elles vous entraînent.

Nous approchons de la période de Noël, quel est le cadeau qui vous comblerait cette année ?
Que mes deux filles, qui sont respectivement en première et en terminale (Carla et Chandara, devenue Théa), m’apportent des bonnes notes! Je reste sur l’école, mais que tout aille bien avec les gamins, quoi. Si j’arrivais à gérer aussi bien mes propres enfants que les élèves d’Happy Chandara, ce serait merveilleux, mais vous le savez, les cordonniers ne sont pas toujours les mieux chaussés ! Enfin, il ne faut pas exagérer, je n’ai pas non plus des terreurs à la maison, mais ce n’est pas toujours facile d’être parent, surtout quand on travaille beaucoup. Le plus beau cadeau, ce serait qu’ils me fassent de belles surprises dans ce sens, ça c’est sûr, ça m’allégerait beaucoup.

+ d’infos : L’association Toutes à l’Ecole est toujours à la recherche de parrainages :

http://toutes-a-l-ecole.org
A lire : Une déflagration d’amour,
Tina Kieffer – Ed. Robert Laffont – 2019.

FAN DE…

Quelle est votre actrice préférée, celle qui vous touche ?
Julie Depardieu.

Quelle est l’artiste (illustratrice, peintre, sculptrice…) dont vous adoreriez avoir une création chez vous?
Leonor Fini.

Quelle est votre chanteuse préférée, que vous doublez sous la douche ?
Veronique Sanson, sans doute comme des millions d autres femmes…

Quelle est votre styliste ou couturière préférée ?
Depuis que j’ai quitté la presse, je vis surtout en jean et jolies chemises, c est très pratique. Je les trouve chez Maje, Sandro et aussi dans des petites boutiques peu connues.

Quelle est la femme humoriste qui vous fait mourir de rire ?
Blanche Gardin.

Quelle est l’auteure (écrivaine) que vous dévorez ?
J’ai lu tous les Nothomb, mais mon préféré reste le premier, Hygiène de l’assassin, si bien écrit..

Quelle est la championne (sportive) que vous admirez ou avez admirée ?
Je ne suis pas très sportive, je passe…

Quelle est votre femme de média préférée ?
Je suis très admirative des grands reporters, et elles sont finalement assez nombreuses.

Quelle est la femme politique qui vous fascine le plus ?
Olympe de Gouges, mais elle n’est plus de notre monde depuis longtemps…

Quelle femme de l’histoire admirez-vous ?
Toutes celles qui ont risqué leur peau pour faire bouger les lignes (comme Olympe).

Quelle est votre héroïne fictive ou réelle préférée ?
Mimi Cracra !

© Jeff Manzetti / © Gregory Herpe

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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