vin de savoie : pascal perceval, l’homme de glace

27 Oct 2018

l’a-vin-turier des sommets

Sans peur et avec ses proches, Pascal Perceval porte haut les couleurs de son domaine viticole savoyard. Parti faire maturer son vin au sommet du mont-blanc, cet entrepreneur fûté sait se mouiller et n’hésite pas à immerger ses productions dans les eaux des environs.

Massif du Mont-Blanc, à plus de 3600 mètres d’altitude. A l’approche de l’hélicoptère, la nappe de neige voltige en un hypnotique ballet de flocons vagabonds dorés par le soleil. En vol stationnaire au-dessus de la terrasse du refuge, l’engin se déleste peu à peu de plusieurs cuves de 1000 litres emplies d’une précieuse cargaison liquide. «De l’or blanc», comme le dénomme Pascal Perceval, vigneron de quatrième génération dans son village des Marches. Avec son épouse Gwenaëlle et plusieurs fidèles collaborateurs, il mène une incroyable odyssée sur les sommets. Une histoire enivrante comme l’air des cimes, fruit du hasard et du génie un tantinet givré d’un homme du terroir, qui ne porte sans doute pas pour rien le patronyme d’un chevalier conquérant !

CUBIS DE GLACE

Tout commence en 2009, quand la grêle s’abat sur une parcelle de cépages Jacquère du Domaine Perceval, lequel s’étend de la commune des Marches, proche du lac Saint André, jusqu’au territoire de Chautagne, au bord du lac du Bourget. Les vignes sont ravagées et les ceps meurtris laissés tels quels sur pieds. Par un de ces miracles dont elle a le secret, la nature, pourtant, ne se laisse pas aller. “Quand nous sommes venus tailler les vignes en février de l’année suivante, on a eu la surprise de découvrir des grappes superbes. J’adore les vins de glace comme ceux qu’on trouve au Canada ou en Alsace et c’est ce qui m’a donné l’idée de travailler cette récolte particulière. Du grand froid était annoncé. On a laissé passer la nuit et on a ramassé les raisins gelés à cinq heures du matin, à la lueur des frontales. Quitte à pousser l’expérience jusqu’au bout, nous avons ensuite congelé le jus pressé. Et le résultat final a été extra!”, confie Pascal Perceval.

PREMIER DE CUVÉE

Enthousiasmé par son nouveau nectar, le propriétaire du domaine décide de poursuivre l’expérience et évoque incidemment son projet à un client chamoniard. Vin sur vin ! Retraité de la compagnie du téléphérique, l’homme n’a pas non plus froid aux yeux ! Il suggère au viticulteur de peaufiner son breuvage sur le Mont-Blanc et le met en relation avec des dirigeants de la structure exploitant les remontées. Accrochées à des télécabines, les cuves contenant les grains – récoltés après gel, puis pressés, fermentés et maturés – gagnent ainsi les sommets. Elles y demeurent entre 5 et 30 jours, à des températures moyennes de -40° (jusqu’à -60° en cas de grand vent!), avant d’être redescendues pour dégeler lentement au Domaine.

Une fois la glace enlevée, il reste environ 30% de jus concentré, un “vin plus fin, plus rond en bouche” que dans sa version classique. Unique en son genre, cette haute création viticole a pourtant bien failli disparaître lorsqu’il n’a plus été possible de transporter les cuves au moyen des remontées.

EN VERRE ET CONTRE TOUT

“Quand cela m’a été annoncé, je suis parti de Chamonix avec le moral à zéro”, rapporte Pascal Perceval. “Ma récolte était déjà prête et je me disais que ce n’était pas possible d’arrêter là cette aventure qui me tenait tellement à cœur. Et puis, sur la route du retour, j’ai aperçu un fourgon portant l’enseigne d’une entreprise d’hélicoptères effectuant tous types de téléportages. Je me suis dit que la solution était là, sous mes yeux ! Je les ai contactés et ils m’ont dit que j’avais de la chance : ils devaient justement monter au refuge dans les jours suivants et pourraient y transporter mes cuves”.

Grâce à cette nouvelle collaboration de haut vol, le Domaine Perceval peut produire annuellement 8 000 bouteilles (numérotées) de «Vin des glaces», qui trouvent leur origine sur le «toit de l’Europe», à côté du refuge des Cosmiques, du refuge du Goûter et de l’Observatoire Vallot.

L’IVRESSE… DES PROFONDEURS !

Mais Pascal Perceval ne s’arrête pas à la conquête des cimes. Insatiable explorateur, toujours à l’affut de nouvelles expériences, il décide aussi de mettre son vin… dans l’eau ! “J’avais entendu parler d’un bateau coulé avec sa cargaison de vin qui avait été retrouvée en parfait état après des années passées sous l’océan. Et je me suis dit que si on «faisait» les montagnes, on pouvait aussi bien «faire» les lacs ! Le projet d’immerger des bouteilles a mis une dizaine d’années pour aboutir. C’est compliqué d’obtenir les autorisations pour louer le fond des lacs. J’avais prévu de le faire à Annecy, mais on m’a dit dans un premier temps que ce n’était pas possible. Du coup je me suis tourné vers le Léman et finalement les deux m’ont répondu oui !”.

À TOUS LES DEGRÉS

En avril 2017, plus de 2000 bouteilles et des tonneaux sont ainsi plongés dans le lac Léman, à une trentaine de mètres de profondeur. Un an plus tard, les flacons de Mondeuse pour le rouge et de Chignin-Bergeron pour le blanc, sont remontés à la surface ; tandis que 4000 nouvelles bouteilles sont immergées. Au-delà de l’attrait du breuvage obtenu, l’expérimentation s’avère intéressante dans son aspect comparatif. “Un nombre identique de bouteilles de vin élaboré à partir des mêmes cépages sont conservées en parallèle en cave”, explique Pascal Perceval. “La différence produite par les deux modes de conservation est flagrante. En un an au fond du lac, le vin mûrit à l’équivalent de quatre ou cinq années en cave ! Cet effet est produit principalement par les remous de l’eau qui brassent les bouteilles en continu”.

Du côté du lac d’Annecy, l’immersion est prévue pour deux ans. Il faudra donc patienter encore quelques mois pour juger du résultat.

En attendant, on peut compter sur Pascal Perceval pour ne pas «sommelier» sur ses vignes ! L’audacieux viticulteur est en effet en pourparlers pour tenter sa prochaine expérience originale du côté du lac de Tignes. Le site idéal pour concilier profondeurs et sommets ?!

BOUCHONS HORS FLOTTAISON

Caviste réputé à Sévrier, Serge Alexandre se laisse aussi régulièrement tenter par «l’ivresse des profondeurs» ! Depuis plusieurs années, il immerge au fond du lac d’Annecy des centaines de bouteilles de vin de toutes origines. Ainsi conservés pendant un an à une vingtaine de mètres de profondeur, les crus en ressortent “droits, précis, frais, riches, au toucher soyeux, très différents des mêmes vins conservés en cave”. Une partie des bénéfices des ventes de ces flacons (commercialisés en duo lac et cave) est distribuée à des associations caritatives.

Côté suisse, des amateurs et des œnologues ont aussi tenté l’aventure nautique en plongeant un millier de bouteilles de Chasselas dans les eaux du Léman, au pied du château de Chillon. Stocké dans une caisse stabilisée à une trentaine de mètres de profondeur, le vin immergé en 2017 devrait pouvoir être dégusté d’ici 2020.

+ d’infos :
domaine-perceval
.fr
vindesglaces.fr
> Les Marches I 73

© Edyta Tolwinska / © Jordan Gailland – Larsen Color Production / © Laurie Gazetta

Béatrice Meynier

Béatrice Meynier

Journaliste SURNOM: du classique Béa au moins conventionnel Chounie. PERSONNAGE DE FICTION: une héroïne qui se baladerait de roman en roman, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre... Sinon l’inventeur de la machine à miniaturisation de voiture pour la mettre dans mon sac à main au lieu de la garer (un vieux fantasme !) OBJET FETICHE: la bague offerte par mes parents pour mes 20 ans. ADAGE: positive attitude. JE GARDE: Raiponce: mes cheveux ! Et 2 ou 3 autres bricoles... JE JETTE: en combien de lignes ? DANS 20 ANS? tout est possible... presse@activmag.fr

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