donnant donnant !

A l’Accorderie, il n’est jamais question d’argent. Juste d’un peu de temps, que l’on s’échange sur la base : d’1h de service rendu = 1h de service reçu. Un petit coup de main qui fait du bien et qui crée du lien. L’association annécienne inscrit sa démarche dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Vaste chantier.

Quand on a du temps, au lieu de le tuer, pourquoi ne pas le faire fructifier ? En profiter pour apprendre, transmettre, partager, créer, échanger, rencontrer… Donner et recevoir dans une parfaite équité. Et sans rien débourser. Car même la cotisation ne se monnaie pas : il vous en coûtera deux heures de votre temps, sur l’année.

Né au Québec en 2002, débarqué en France en 2009, avec déjà 32 Accorderies sur son territoire, le concept a fait des émules. L’association a ouvert ses portes à Annecy en novembre 2014 et ce sont déjà 500 accordeurs qui se rendent service, pouvant ainsi s’offrir des services auxquels, dans l’économie classique, ils n’auraient pas forcément accès.

UN LIEU DE VIE… PLEIN DE VIE

Ce n’est pas sans une certaine fierté que Pascale Callice, l’une des co-présidentes de l’association me fait faire le tour de l’Accorderie, s’extasiant çà et là des créations des «accordeurs» qui habillent la pièce. Ici une magnifique mosaïque à l’effigie de l’association, là un paravent de patchwork réalisé par une passionnée, dans ce vase à l’entrée de petits oiseaux en tricot… Une déco très gaie qui témoigne de l’originalité et de la diversité des savoir-faire. Car même si cela complique parfois la concentration pour ceux qui y travaillent, l’Accorderie, c’est un peu le lieu pour se retrouver, échanger, rompre sa solitude, créer du lien… Une dimension humaine essentielle.

C’est d’ailleurs pour faciliter les interactions qu’ici, la spécificité est de privilégier au maximum les échanges collectifs. “Les accordeurs mettent en place des ateliers en toute autonomie”, précise Frédérique Collon, co-présidente, “cela permet aux gens de faire mieux connaissance, d’établir la confiance… C’est très positif et au final, ça facilite les échanges individuels. Ça passe souvent par le biais de la transmission d’une passion, ateliers d’aquarelle, de tricot, et même de repassage : une mamie nous a appris à repasser une chemise dans les règles de l’art” ! Echanges cosmopolites et transgénérationnels.

Il y a des personnes qui pensent qu’elles n’ont rien à échanger, mais on trouve toujours quelque chose : cela peut être préparer un gâteau, porter des courriers, tenir une permanence à l’Accorderie…

STOCK EXCHANGE

Alors que peut-on échanger ? Une heure de cours de langue, une heure de garde d’enfant, un transport pour aller faire ses courses… Et comme l’association fonctionne en réseau, on peut même échanger en dehors de sa ville, sur son lieu de vacances… “Un accordeur annécien en formation à Paris a même pu passer une nuit chez un autre accordeur, sans payer, mais contre trois heures de son temps”, s’enthousiasme Pascale.

Il y a quand même quelques règles à respecter, comme le côté ponctuel de l’échange : “on ne peut pas demander à quelqu’un de venir faire son ménage toutes les semaines.” De même qu’il n’est pas possible d’échanger sa compétence professionnelle principale. Pour ne pas que cela soit assimilé à du travail au noir déguisé. “Au final, cela reviendrait à prendre le travail de quelqu’un et ce n’est pas le but”, explique Frédérique.

Au sein de l’Accorderie, il existe donc un comité de validation des offres de services proposées par les membres de l’association. “Il y a des personnes qui pensent qu’elles n’ont rien à échanger, mais on trouve toujours quelque chose : cela peut être préparer un gâteau, porter des courriers, tenir une permanence à l’Accorderie…” Toute une série de petites choses qui semblent anodines, mais qui sont extrêmement bénéfiques et qui peuvent redonner une dynamique à une personne, lui rendre de la confiance…

“L’Accorderie est un révélateur de talents, conclue Pascale Callice, on rencontre des gens formidables qui aiment partager et qui sont révélés par le groupe. Et ici les comptes sont positifs. On n’est pas dans l’assistanat”. Donner pour mieux recevoir. L’état d’esprit est aussi déterminant pour favoriser les échanges, “on doit sentir l’envie d’échanger. Sinon cela ne marche pas”.

1h de service rendu = 1h de service reçu, un petit coup de main qui fait du bien et qui crée du lien.

AMBITIONS : AUCUNE

“Juste que les gens soient heureux. Nous veillons au maintien du lien social, au fonctionnement des ateliers et à la qualité des échanges.” La démarche sociale et solidaire de l’Accorderie lui assure l’appui de deux partenaires historiques : le Secours Catholique et Haute-Savoie Habitat qui prête gracieusement le local à l’association.

Mais son coût de fonctionnement nécessite aussi de compter sur les dons et les subventions. “Pour cela, nous organisons également des manifestations. Fin juin, c’était un concert avec le groupe local : «T’inquiète la Guinguette». Cela a mobilisé une cinquantaine d’accordeurs. Entre la logistique et la vente des tickets de concert… Nous avons été très agréablement surpris par l’implication et le professionnalisme de nos adhérents”, se félicite Frédérique Collon.

D’ailleurs, la moitié du public était constituée de personnes qui n’étaient pas adhérents de l’association. Preuve de la capacité de chacun à fédérer autour d’un projet et d’agir dans le sens de la solidarité, pour peu qu’on lui ait montré le chemin… Et tous les premiers jeudis du mois, l’Accorderie organise des rencontres, un moment privilégié qui permet de découvrir l’association et d’échanger déjà un brin de discussion. Chacun apporte quelque chose à boire ou à manger… quelque chose à partager.

+ d’infos :
www.accorderie.fr/annecy

© freshidea. Illustration : Sophie Caquineau