amour vache

9 Oct 2017

Un truc qui cloche ?

«Mettons les villes à la campagne car l’air y est plus pur !». L’humoriste Alphonse Allais au XIXème siècle en rêvait. Hélas, pour nombre de citadins venus s’installer dans les campagnes, ce rêve s’est mué en cauchemar. Bruit des cloches, chant du coq, odeur de fumier et autres désagréments attisent aujourd’hui les tensions dans les villages. Entre un monde paysan sur la défensive et des néoruraux qui n’hésitent pas à saisir la justice, c’est «je t’aime, meuh non plus».

On a beau être à 1 230 m, on atteint les sommets de la sonnerie humaine. Au col du Corbier, une vingtaine de résidents secondaires de la petite commune du Biot, jugeant le bruit des clarines insupportable, ont en effet protesté auprès du maire, et déposé une pétition. Stupéfaction générale. Voilà des bobos qui n’apprécient pas le «Biot»! Des amateurs de «nature morte», qui ne peuvent plus voir une vache en peinture. L’affaire fait grand bruit. Presse locale, télévisions, le microcosme médiatique s’agite. Sur les réseaux sociaux, les esprits s’échauffent…

DE MAL EN PIS

Pourtant, aussi «abracadabrantesque» que cela puisse paraître, ces histoires de Clochemerle se multiplient et finissent souvent au tribunal. Savoie, Haute-Savoie, Ain, Auvergne, Suisse, partout les éleveurs se font sonner les cloches. Dans les environs de Zürich, untel doit retirer celles de ses 27 vaches la nuit, tel autre, dans le Cantal, est contraint de déplacer sa ferme datant de 1802 pour ne pas incommoder un voisin. Et quand ce n’est pas le bruit des vaches qui est incriminé, ce sont les odeurs, les mouches ou le coq qui chante trop fort. Mélodie idyllique pour les touristes, les tintements incessants peuvent vite devenir insupportables, prétendent les plaignants.

Heureux quand la campagne «est si belle», ils fulminent dans la campagne «décibel». Un avocat renchérit, “si Rostropovitch venait jouer du violoncelle sous mes fenêtres, le premier soir, je serais ravi, le deuxième un peu moins, et s’il continuait tous les jours et toutes les nuits de l’année, je suis sûr que ça finirait par me brouiller avec les plus grands compositeurs !

Pauvre citadin ! Comme dans le tube de Michel Delpech, «on dirait que ça l’gêne de marcher dans la boue» ! On a oublié de le prévenir : la jolie vache Milka est en fait entourée de mouches et de bouses !

L’HEURE DE LA RE-TRAITE
POUR LES VACHES ?

Côté éleveurs, autre son de cloche. Respect des traditions, de leur métier, entretien des alpages, antériorité sur les lieux, leurs arguments ne réussissent pas toujours à faire mouche auprès des juges qui, dans ces histoires, marchent sur des oeufs. Car dans l’arsenal des mesures antibruit, tout est laissé à leur appréciation. Retirer les clarines ? Une décision «peau de vache» qui peut filer le «bourdon» aux éleveurs! Pour eux, c’est une manière de ne pas reconnaître l’utilité de leur travail, voire leur place dans la société.

En fait, si ces affaires suscitent autant de débats passionnés, c’est parce que les cloches cristallisent à elles seules des enjeux bien plus profonds. Ces Clochemerle semblent être les ultimes soubresauts d’un monde paysan qui craint de finir sur la paille. Et qui n’aurait d’autre choix que de s’accrocher à ces symboles comme à une bouée de sauvetage. Avec l’église du village, la clarine d’une vache n’estelle pas le dernier témoin, immuable et rassurant d’une tradition, dans une société rurale en pleine mutation ? Car depuis plusieurs décennies, le nombre d’agriculteurs baisse inexorablement. Une vraie espèce en voie de disparition. A ce rythme, le ministère de l’agriculture sera bientôt le WWF. Et comme si cela ne suffisait pas, les troupeaux doivent parfois cohabiter avec les loups ou les ours que veulent réintroduire les écolos des villes. Le responsable de la FDSEA du Cantal rumine sa rancoeur : “nous, agriculteurs, pouvons avoir l’impression d’être mis à l’index par la société…”.

Dans le même temps, les citadins affluent en masse dans les campagnes. Rêvant d’air pur, de silence et de petits oiseaux, ces néoruraux, sans doute bercés par les aventures de Heidi, débarquent pétris de clichés et découvrent la réalité : une campagne vivante, active et olfactive, avec ses avantages et ses inconvénients, ses atouts et ses contraintes. Pauvre citadin ! Comme dans le tube de Michel Delpech, «on dirait que ça l’gêne de marcher dans la boue»! On a oublié de le prévenir : la jolie vache Milka est en fait entourée de mouches et de bouses!

L’AMOUR EST DANS LE PRÉ

On a finalement l’impression que le seul endroit où le citadin tolère les vaches c’est au Salon de l’agriculture ou lors de la descente des alpages. Aujourd’hui, deux mondes se font face, deux visions, deux modes de vie. Au XIXème siècle déjà, dans une situation inversée, c’étaient les 5 000 vaches laitières installées dans Paris intra-muros qui incommodaient les habitants de la capitale. Rats des villes, rats des champs, le choc culturel semble inévitable. Pourtant, certaines régions rurales ne doivent leur survie qu’à l’afflux de ces néoruraux.

Pas ceux des années 70, ces babas cool éleveurs de chèvres qui faisaient jaser et ricaner les «bouseux». Mais ces cadres, ouvriers, professions intermédiaires qui, depuis 20 ou 30 ans, cherchent l’Eldorado dans les campagnes, qui sauvent l’école du village et dynamisent les associations. Parfois, même des solutions à l’amiable originales sont trouvées, comme cet hôtelier autrichien qui, excédé par le bruit des cloches des vaches de son voisin agriculteur, a fini par casser sa tirelire pour équiper celles-ci d’un système de localisation GPS. Plus besoin de clarines pour localiser les paisibles ruminants !

Le vivre-ensemble dans nos campagnes ne peut donc pas se résumer à ces guerres des bourdons, à ces combats de coqs. Les Français ne sont pas tous des veaux, contrairement à ce qu’affirmait le Général de Gaule. Mais quand même, voir disparaître des cloches parce que l’odeur de quelques tarines incommoderait certains tarins… Quelle déception ! Un vrai coup de b(l)ouse !

© Werner Dreblow, © determined

Emmanuel Allait

Emmanuel Allait

Chroniqueur SURNOM : Manu. Mais je préfère qu'on m'appelle Emmanuel. Un peu long, mais plus c'est long, plus c'est bon, non? PERSONNAGE DE FICTION : bob l'éponge. J'ai passé 40 ans à faire la vaisselle et ce n'est pas fini ! Je suis un spécialiste. OBJET FETICHE : un stylo plume. Beaucoup plus classe qu'un ordinateur. Ou une montre, automatique bien sûr. Regarder le temps qui passe pour en profiter au maximum. ADAGE : mon cerveau est mon second organe préféré (woody allen). JE GARDE : joker. JE JETTE : mes pieds. DANS 20 ANS ? je serai sur une scène, guitare à la main, pour jouer Europa de Carlos Santana. presse@activmag.fr

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