didier régnier, le photographe des 4 coins du monde

3 Jan 2019

didier régnier « marche ou rêve »

Les jeunes générations ne le connaissent sans doute pas. Pour les quadras et plus, Didier Régnier est celui qui, chaque samedi après-midi, les scotchait, émerveillés, devant ses émissions d’aventures et ses reportages autour du monde. L’infatigable globe-trotter, révélé en 1978 par un jeu mythique, «la course autour du monde», est depuis peu retiré de la télévision. Il vient de publier «tous les bonheurs du monde», une sélection de ses plus belles photos.

Il nous donne rendez-vous à La Clusaz, dans le chalet familial où il pose son sac chaque fois qu’il a besoin de faire une halte dans ses pérégrinations. C’est là qu’il se ressource, face à la chaîne des Aravis.

Il a beau avoir 65 ans, il garde la passion du voyage chevillée au corps. Captivant, enthousiaste, modeste, il est capable de transporter son interlocuteur en quelques instants de l’Antarctique au désert du Namib, du Myanmar au Yukon, de La Havane à Cracovie. L’œil rieur, le sourire toujours au coin des lèvres, il jongle avec les anecdotes, les rencontres, les récits, alternant le registre de l’émotion ou de l’humour. En fait, ce baroudeur impénitent n’a jamais cessé de voyager, que ce soit comme animateur, journaliste, rédacteur en chef, directeur de radio, ou passionné de photographie.

Didier Régnier était l’invité du Grand Bivouac cette année à Albertville.

SUR LES TRACES D’UN JACK LONDON MAISON

Une véritable vocation née lorsque, enfant, il était bercé par les histoires sur son grand-oncle Claude. Fasciné par les Inuits au point de vivre avec eux, comme Paul-Emile Victor, il disparut lors d’une expédition en kayak dans la baie d’Hudson en 1955, à l’âge de 28 ans. “C’était mon Jack London, confesse-t-il, à la maison, j’avais les plus beaux récits d’aventures, pas besoin de livres !”.

Mais il devra ronger son frein de longues années avant de concrétiser cette passion pour l’ailleurs, et en faire son métier. Pour l’heure, c’est détour obligatoire par la faculté de Droit de Metz, injonction paternelle oblige. “Un calvaire”, avoue-t-il. C’est une fois la licence décrochée, qu’il peut enfin entrer dans une école d’audiovisuel et se former à la réalisation de films.

Le vrai tournant a pourtant lieu un peu plus tard, en 1978, avec sa victoire à «La Course autour du monde», un concours de reporter amateur lancé par Jacques Antoine sur Antenne 2. Envoyés pendant 5 mois autour du monde, les jeunes candidats, parmi lesquels Jérôme Bony et Philippe de Dieuleveult, devaient, chaque semaine, présenter un reportage devant un jury, composé notamment de Patrick Poivre d’Arvor et de Françoise Giroud. “Le regard de mes parents sur moi a changé. Ce qui était une lubie est devenu un métier. Les choses s’emboîtaient, Elkabbach m’a aussitôt embauché. Mon désir de reconnaissance était satisfait.” 

Pêcheur avec une nasse : sur le lac Inle ( Myanmar – Birmanie) les pêcheurs perpétuent leur technique de pêche si originale.

Ses 40 ans de carrière à la télévision lui ont permis d’assouvir sa passion du terrain, son goût de la découverte, tout en faisant figure d’idéaliste en décalage avec le fonctionnement de cet univers. “Un ours généreux dans un monde de requins”, explique son ami de 30 ans, Stéphane Victor, fils de l’explorateur Paul-Emile Victor. Entier, sensible, intègre, honnête, attentionné, il tranche en effet avec certains arrivistes du paf, dont les mesquineries lui ont parfois joué des tours. Eloigné du petit écran un peu contre son gré, il réfléchit à son prochain livre, un roman, et projette un voyage au Chili, “un des plus beaux pays du monde”. Pourquoi ne pas relancer «La course autour du monde» ? “Ce serait un flop”, assure-t-il. “C’était une autre époque, quand la découverte du monde suffisait pour bâtir une émission”. Il rit, “j’ai l’impression d’être un dinosaure quand je dis ça…”

Activmag  : 40 ans d’aventures, de rencontres. Et au final, un livre avec 260 magnifiques photos, préfacé par Patrick Poivre d’Arvor. Est-ce une forme de bilan nostalgique, pour couronner une vie consacrée au voyage et au reportage ?

Didier Régnier : Ce n’est pas un bilan, mais une pause, dans une vie qui a toujours été dans le mouvement, dans l’action. Une sorte d’arrêt sur images. J’avais accumulé des milliers de photos au cours de mes tournages, et j’en ai fait un livre de rencontres, d’émotions, de bonnes adresses, de bons plans, toujours avec le souci d’être décalé par rapport aux incontournables du tourisme de masse. Le Nouveau Brunswick au lieu du Québec, les dunes blanches du nord-est brésilien au lieu de Rio, le Yukon, l’Antarctique par exemple. Aucune nostalgie dans ma démarche, juste l’envie de partager des coups de cœur.

Hoi An ( Vietnam centre) : sur la rivière au cœur de la vieille ville de Hoi An: une plongée dans le temps.

Tu conseilles des circuits originaux, qui finalement vont être encore plus fréquentés. N’est-ce pas paradoxal ? 

C’est ambigu, j’en suis conscient. J’ai envie de partager, et en même temps je râle quand je vois les touristes entassés sur certains spots, comme Prague, Venise, Barcelone, Lisbonne. Ce sont de belles villes, mais où est l’intérêt du voyage, si on se retrouve entre touristes, déconnectés des autochtones ? Voyager ce n’est pas «faire tel ou tel pays» ; c’est se perdre dans la nature, fuir la foule, être déstabilisé, sortir de sa zone de confort, se mettre un peu en danger. Une recette toute simple, quand tu arrives dans un endroit surfréquenté, tu prends la première à droite. Et il n’y a plus personne. Les gens se concentrent trop dans les mêmes lieux.

Cuba, sur le Malecon, chaque Cubain refait le monde en regardant le soleil disparaître à l’horizon.

S’il te fallait choisir les moments qui t’ont procuré les émotions les plus intenses pendant toutes ces années ?

Il y en a tellement ! Le sauvetage des boat people en mer de Chine, avec Médecins du Monde par exemple. La chaloupe était prête à basculer tant elle était chargée. Quand ces gens montent sur ton bateau, quand ils comprennent qu’ils sont sauvés, ils te regardent avec une telle intensité… Ou encore cette rencontre extraordinaire avec le voisin de cellule de Nelson Mandela, qui avait cassé des cailloux à côté du futur président de l’Afrique du Sud. Et aussi la visite de S 21, le centre de torture des Khmers rouges au Cambodge, avec mon guide, qui avait été lui-même torturé dans cet endroit.

Le «must» cubain : fumer des cigares en fabriquant…des cigares !

Dans ton livre, on voit une photo de toi en Afghanistan. C’était un périple complètement insensé peu après l’invasion soviétique…

C’était une de mes expériences journalistiques les plus passionnantes. On était au début des années 80, avec Jérôme Bony, qui avait aussi fait La Course autour du monde. Jeunes journalistes idéalistes, nous étions révoltés par la présentation du conflit dans les médias français, qui ne passaient que les images des agences de presse soviétiques. On a voulu aider les résistants afghans en leur apportant des caméras pour qu’ils filment leurs combats. On a donc rejoint clandestinement leurs camps d’entraînement avec des caméras que nous avions nous-mêmes achetées. Bon, on a fini par être dénoncés, et obligés de partir avec nos cassettes dans des conditions rocambolesques, en se déguisant pour ne pas être arrêtés. Nos reportages sont passés dans la presse, et dans le JT de Christine Ockrent, sur Antenne 2. Pour la première fois, on a pu voir des images du front, commentées par les Afghans eux-mêmes. On a eu une autre vérité sur la guerre.

Antarctique : «Cimetière des icebergs», gigantesque entonnoir dans lequel les icebergs viennent s’échouer avant de fondre progressivement.

Tu as parcouru plus de 80 pays. A part les rencontres dont tu viens de parler, quels paysages t’ont le plus marqué ?

Difficile de faire un tri… Les plus grands vecteurs d’émotion sont pour moi les endroits où la nature t’écrase, lorsque tu te sens tout petit et vulnérable. En 1988, nous avons fait un direct depuis le camp de base de l’Everest. Tu es à 5000 mètres, et tu as encore près de 4000 mètres de montagne au-dessus de toi ! Je dirais aussi le cœur de la forêt amazonienne ou des déserts, l’Alaska… Et l’Antarctique ! Quelle violence et quelle beauté incroyable ! Depuis Ushuaia, il faut deux jours et demi de navigation. Tu es à l’extrémité de la terre, au bout du monde, et tu pars encore plus loin ! Soudain, tu aperçois le premier iceberg, la glace. Aucun habitat, aucune odeur, rien. Le silence absolu. La déstabilisation est totale. Je pense qu’il faut être bien dans sa tête pour supporter ça sans paniquer.

Tu cites un proverbe touareg «le voyage c’est d’aller de soi en soi en passant par les autres». Qu’as-tu appris en voyageant ?

Le voyage te confronte en fait à des raccourcis d’émotions. Voyager te fait prendre conscience que tu peux faire plus, que tu peux aller plus loin dans tes capacités, que tu peux supporter la faim, la fatigue. Tu deviens plus tolérant, plus ouvert. Les voyages t’aident à relativiser, à mettre les choses en perspective.

Montgolfière sur les dunes : Namibie, survol matinal des dunes du désert du Naukluft.

Pourtant, plus on voyage, et plus les préjugés restent ancrés dans les mentalités. Comment est-ce possible ?

J’ai du mal à le comprendre. On ne parle du monde que négativement… les dangers… la peur des autres. Même chez des gens qui n’ont jamais mis les pieds ailleurs. Du matin au soir, tu es conditionné par cette vision négative. Or l’ouverture aux autres, la rencontre, sont une chance. Le métissage, c’est magnifique. Le mélange des opinions, des cultures est source d’enrichissement, d’épanouissement, pas de souffrances.

Les Français n’ont donc aucune raison d’être pessimistes ?

La France est un des plus beaux pays du monde, un des plus nantis. On mange plus qu’il ne faut, on a de l’eau, on surconsomme, on part en week-end. Jouer aux malheureux dans ces conditions n’est pas très sérieux. Mais nous sommes formatés en permanence pour nous plaindre. Tu rentres de ton voyage, tu te mets devant un écran et on te fait croire que les Français sont les plus malheureux du monde. C’est aussi pour cette raison que j’ai voulu faire ce livre sur la beauté et la rencontre. J’avais envie de dire aux gens, “nourrissez-vous du beau, mettez-le dans votre sac. Et ça devrait vous aider à tenir jusqu’au prochain voyage”.

Brésil, Amazonie, enfant Munduruku. Ces indiens résistent chaque jour aux multiples agressions du monde moderne et surtout aux projets d’implantation de gigantesques réservoirs et barrages.

Tu es un vrai optimiste !

Les peuples sont des machines à espérer. Je ne parle pas de ces nouveaux riches, en Russie, aux Emirats, dans les pays émergents, dont le comportement repose sur la possession, la richesse. Je parle des gens qui souffrent, et qui, pourtant, tissent tous les jours l’équilibre de la planète. Le monde tient avec eux ; ils te remontent le moral, et te font relativiser tes petits problèmes. Je suis bouleversé par le sourire de cette Malgache qui attend sous sa paillote le retour de son mari de la pêche. Je suis admiratif de ces populations qui vivent avec simplicité, avec difficulté, et qui dansent, chantent, te donnent un poulet ou un poisson alors que ça représente un mois de leur salaire. On est dans le vrai don de soi, sans faire de misérabilisme. Chaque fois, je me demande comment je peux répondre à cette gentillesse. Alors, quand un étranger, en France, me demande un service, j’essaie de l’aider. Une manière de rendre un tout petit peu de ce que j’ai reçu.

U Bein Bridge (Birmanie). Le pont sacré des Birmans, construit en 1849, lieu de toutes les rêveries, et de toutes les promenades.

DIDIER REGNIER : BIO TOP CHRONO

Lauréat de «La Course autour du Monde» sur France 2 (1978), animateur du «Grand Raid» en 1985, de «Sagarmatha 88» (Premier direct de l’Everest côté népalais) ainsi que de nombreuses émissions d’aventure sur France 2, mais aussi grand reporter pour le magazine «Résistances», directeur de radio («Aventure FM»), rédacteur en chef et chroniqueur «Voyages-Découvertes» dans l’émission «C’est au programme» pendant 18 ans, Didier Régnier est aussi un passionné de photographie.

DIDIER REGNIER EN 3 TUBES

On s’était dit rendez-vous dans 10 ans…
Dans 10 ans, je ne serai ni assagi, ni inactif. J’aurai encore en moi, si ma santé le permet, cette soif d’ailleurs qui m’a transformé, éduqué, élevé, révolté, contenté. Je voyagerai encore pour trouver les ultimes réponses à mes ultimes questions, sur la planète et sur le sens de notre passage sur Terre.

J’irai au bout de mes rêves…
Mon rêve serait de retrouver les personnes que j’ai aimées et qui ne sont plus, pour leur dire et leur montrer que je peux encore plus les aimer. On ne sait pas toujours voir la beauté des personnes que l’on a en face de soi, quand il est encore temps.

Les temps changent…
Mon époque me convient. Ce n’était pas mieux avant. Il faut être en phase avec son temps, ne pas regretter hier ni avoir peur de demain.

© Didier Régnier

Emmanuel Allait

Emmanuel Allait

Chroniqueur SURNOM : Manu. Mais je préfère qu'on m'appelle Emmanuel. Un peu long, mais plus c'est long, plus c'est bon, non? PERSONNAGE DE FICTION : bob l'éponge. J'ai passé 40 ans à faire la vaisselle et ce n'est pas fini ! Je suis un spécialiste. OBJET FETICHE : un stylo plume. Beaucoup plus classe qu'un ordinateur. Ou une montre, automatique bien sûr. Regarder le temps qui passe pour en profiter au maximum. ADAGE : mon cerveau est mon second organe préféré (woody allen). JE GARDE : joker. JE JETTE : mes pieds. DANS 20 ANS ? je serai sur une scène, guitare à la main, pour jouer Europa de Carlos Santana. presse@activmag.fr

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